La justice française a autorisé mercredi l'extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où ce frère de l'ex-président déchu Blaise Compaoré est mis en cause dans l'enquête sur l'assassinat en 1998 du journaliste Norbert Zongo, affaire symbole pour la société civile qui réclame depuis des années "vérité et justice".

Mais d'autres étapes demeurent avant que François Compaoré ne soit extradé à la demande de son pays. Sa défense a immédiatement indiqué qu'elle allait former un pourvoi en cassation, après cette décision de la cour d'appel de Paris. Pour être effective, une extradition doit aussi faire l'objet d'un décret du gouvernement français.

Alors qu'il enquêtait à l'époque sur la mort de David Ouédraogo - chauffeur de François Compaoré -, le journaliste d'investigation burkinabè Norbert Zongo, 49 ans, et trois personnes qui l'accompagnaient avaient été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 à Sapouy (sud du Burkina Faso).

Comme l'affaire de l'assassinat de l'ex-président burkinabè Thomas Sankara en 1987, le meurtre de Zongo garde une forte charge symbolique au Burkina, où la société civile a ces dernières années organisé nombre de manifestations et mobilisations pour réclamer la fin de l'impunité concernant la mort de ce journaliste.

A Koudougou, sa ville natale, son nom a même été donné à une avenue et à l'Université publique de la ville.

"Pour nous, c'est vraiment un sentiment de joie, après vingt ans de combat, c'est la plus grosse victoire d'étape", a réagi auprès de l'AFP Guy-Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, ONG burkinabè militant pour la démocratie et la bonne gouvernance. "A partir de maintenant, on peut considérer que le moment où toutes les personnes impliquées dans l'assassinat de Norbert Zongo auront à répondre devant la justice burkinabè n'est plus loin", a-t-il salué.

Classé en 2003, après un "non-lieu" en faveur du seul inculpé, le dossier Zongo a été rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir. François Compaoré s'était enfui du Burkina lors de cette insurrection populaire. Il s'était réfugié en Côte d'Ivoire et avait obtenu la nationalité ivoirienne.

- "Victoire d'étape" -

Âgé de 64 ans, François Compaoré, aujourd'hui sous contrôle judiciaire en France, a été arrêté dans un aéroport parisien en octobre 2017 sur la base d'un mandat d'arrêt émis le 5 mai 2017 par les autorités de Ouagadougou. A ce jour, il n'est pas inculpé dans son pays dans cette affaire.

Trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, ont été inculpés dans cette enquête.

Le ministre burkinabè de la Justice, René Bagoro, s'est réjoui mercredi auprès de l'AFP "de cette victoire d'étape". "Cela montre que le dossier monté par la justice burkinabè a été fait avec tout le sérieux nécessaire (...) nous sommes confiants parce que notre dossier est suffisamment solide".

Mercredi, l'un des avocats de François Compaoré, Me Pierre-Olivier Sur, a insisté sur le fait que la chambre de l'instruction de la cour d'appel, dans son arrêt, lui donnait bon espoir de voir aboutir une autre procédure qu'il a engagée.

Il s'agit d'une plainte déposée en octobre à Paris pour "faux et usage de faux criminel" visant le doyen des juges d'instruction de Ouagadougou. Ce dernier avait transmis des éléments à la justice française pour qu'elle puisse statuer sur la demande d'extradition, dont un témoignage oculaire ancien pour tenter de démontrer l'implication de M. Compaoré dans les assassinats.

Selon Me Sur, la cour d'appel, en estimant que la citation de ce témoignage était incorrecte, a ouvert la voie à "la mise en examen du juge du Burkina Faso pour des faits criminels". "Ce n'est qu'à l'issue de cette procédure que la question de l'extradition et de son exécution se posera, c'est-à-dire pas avant 2020 ou 2021", a-t-il estimé.

Saluant "un grand jour" dans la "quête de justice du peuple burkinabè" dans l'affaire Zongo, Me Ambroise Farama, avocat de la famille du journaliste, est conscient "que la défense de François Compaoré usera de toutes les voies légales de recours", mais s'est dit "confiant que viendra le jour (...) où François Compaoré viendra répondre dans l'affaire Norbert Zongo".


AFP
Le 5 décembre 2018

Écrire commentaire

Commentaires: 0