Washington - Christopher Wray reconnaît qu'il est discret. Utile lorsqu'on dirige un FBI dans le collimateur de Donald Trump. Mais il est aussi déterminé à ne pas plier devant les pressions politiques. Une résolution qui, à l'épreuve du président américain, peut lui coûter son siège.

Il y a six mois seulement, le nouveau directeur de la police fédérale américaine était choisi par le milliardaire républicain lui-même, qui venait de limoger sans ménagement son prédécesseur James Comey, accusé d'être partial dans l'enquête sur l'affaire russe.

Un gage de stabilité? Pas du tout: contre l'avis du premier policier des Etats-Unis, Donald Trump a autorisé vendredi la publication d'une note confidentielle très controversée. Celle-ci décrit ce que les républicains considèrent comme un abus de pouvoir du FBI lors de la mise sur écoute d'un ancien membre de l'équipe de campagne Trump avant l'élection de novembre 2016.

Le tout-Washington, comme le suggérait CNN, s'attendait à ce que Christopher Wray présente sa démission en réponse à cet affront.

Mais dans un message interne envoyé aux 30.000 employés du FBI, il n'a rien laissé transpirer de cette intention, se disant au contraire "pleinement engagé dans (sa) mission".

"Je partage notre détermination commune à faire notre travail de manière indépendante", a-t-il insisté dans cette note obtenue par l'AFP. "Il est facile de parler; le travail que vous faites est ce qui va rester. (...) Sachez que je considère cela comme un incroyable privilège de travailler à vos côtés -- et que je suis déterminé à défendre votre intégrité et votre professionnalisme au quotidien".

Le juriste de métier, âgé de 50 ans, s'opposait à la divulgation du document de trois pages au nom de la préservation d'informations secrètes, tandis que Donald Trump y voit la preuve de ce qu'il avance: FBI et ministère de la Justice ont des arrières-pensées politiques.

Avant cet accroc, le patron du FBI s'était fait discret, comme à son habitude, pour naviguer dans les eaux troubles d'une agence qui s'attire régulièrement les foudres présidentielles.

En août dernier, il avait été confirmé à une écrasante majorité au Sénat, trois mois seulement après le licenciement retentissant de M. Comey, qui dirigeait à l'époque l'enquête sur une possible collusion de l'équipe Trump avec Moscou.

M. Wray avait alors séduit les deux camps en affirmant qu'il préférerait démissionner plutôt que de se soumettre à des injonctions politiques.

- 'Indépendance' -

"Il n'y a qu'une bonne façon de faire ce travail, c'est avec une stricte indépendance", avait-il assuré devant la Commission judiciaire du Sénat.

"Vous ne pouvez pas faire un travail comme celui-ci sans être prêt à démissionner ou à être viré au moment où l'on vous demande de faire quelque chose, ou que vous assistez à quelque chose, d'illégal, d'anticonstitutionnel ou même quelque chose de moralement répugnant."

Formé à la très prestigieuse université de Yale, dont il est sorti diplômé de droit en 1992, le natif de New York rejoint en 1998 le ministère de la Justice, qui a sous sa tutelle le FBI.

En 2003, il devient l'assistant du ministre, chargé du département criminel, où il travaille sous les ordres d'un certain James Comey.

C'est là que, l'année suivante, il connaît sa première vraie lutte contre les pressions politiques. James Comey vient alors d'être nommé ministre de la Justice par intérim en 2004, en raison de la maladie du ministre John Ashcroft.

Quand des conseillers du président de l'époque, George W. Bush, essayent de tirer profit de ces atermoiements pour étendre un programme d'écoutes très controversé, James Comey, Christopher Wray et Robert Mueller, directeur du FBI à l'époque et actuellement à la tête de l'enquête russe en tant que procureur indépendant, menacent de démissionner en opposition.

Christopher Wray finit par quitter en 2005 le ministère pour rejoindre le cabinet privé King & Spalding. Une époque où il conseille notamment un proche allié de Donald Trump, le gouverneur du New Jersey Chris Christie, durant le scandale politique du "Bridgegate".

De retour à la fonction publique, le directeur du FBI voit sa détermination à résister à la pression politique mise à l'épreuve à nouveau. Il s'y est déjà dit prêt.

"J'ai entendu plusieurs personnes me décrire comme discret. Personne ne devrait prendre mon attitude discrète pour un manque de détermination", avait prévenu Christopher Wray lors de son audition au Sénat.

"Quiconque pense que je retiendrais mes coups en tant que directeur du FBI, assurément, ne me connaît pas très bien."

AFP - Chris Lefkow, Shahzad ABDUL
Le 3 février 2018

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