Paris (AFP) - Le confinement de la population va être prolongé en France, que l'épidémie de coronavirus a déjà plongé dans une récession économique historique et où le bilan humain ne cesse de s'alourdir, approchant des 11.000 morts.

Déjà prolongé une fois jusqu'au 15 avril, le confinement va se poursuivre au delà de cette date et le président Emmanuel Macron s'adressera lundi soir aux Français pour présenter ses décisions concernant la lutte contre l'épidémie durant les prochaines semaines, a indiqué l’Élysée.

La présidence n'a pas précisé la durée de cette nouvelle prolongation, dont l'annonce était attendue.

Le chef de l'Etat devrait également aborder la situation économique et sociale, alors que l'épidémie, qui a mis à l'arrêt une bonne partie des activités du pays, a déjà précipité la France dans une récession historique. La Banque de France a en effet estimé mercredi que le PIB s'était effondré de 6% de janvier à mars, soit la pire performance trimestrielle depuis 1945.

L'activité générale a notamment été inférieure d'environ un tiers (-32%) à la normale sur les quinze derniers jours de mars.

"L'impact (économique) sera considérable, il est encore beaucoup trop tôt pour l'apprécier" totalement, a mis en garde mercredi après-midi le Premier ministre Edouard Philippe devant le Sénat.

Face à cette crise sans précédent, l’État se tient prêt à renflouer le capital d'Air France et de Renault, a indiqué le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, alors que la Bourse de Paris a fini la journée à l'équilibre, après deux journées de forte hausse.

En dépit de ces nouvelles sombres, l'annonce d'une prolongation du confinement n'est pas une surprise.

Dans son dernier avis, rendu public mardi soir, le Conseil scientifique avait en effet mis plusieurs conditions à sa fin: que la "saturation" des services de réanimation soit "jugulée", une "réduction du nombre de cas Covid-19 sur le territoire national" et que les "mesures de contrôle" qui prendront le relais soient "opérationnelles".

- Nouvelles restrictions -

Sur les modalités même du confinement, de nouvelles restrictions sont entrées en vigueur mercredi, alors qu'autorités et soignants craignent un relâchement avec la conjonction des beaux jours et des vacances de Pâques (en zone C pour le moment, Ile-de-France et Occitanie).

Dans la capitale et cinq autres départements franciliens, toute activité sportive individuelle est désormais interdite de 10h00 à 19h00, face au nombre inhabituel de "joggeurs" multipliant les sorties.

Mercredi matin, le long du canal Saint-Martin à Paris, ils étaient nombreux à courir au soleil ou à pratiquer ping-pong, tai-chi, rollers ou stretching, avant que les policiers ne sifflent la fin de la partie.

La ville de Béziers a de son côté carrément fait enlever tous ses bancs publics.

La France a enregistré mercredi un nouveau très lourd bilan quotidien dans les hôpitaux, avec 541 décès supplémentaires en 24 heures, soit un total de 7.632 depuis début mars. S'y ajoutent 3.237 morts déjà recensés dans les Ehpad et établissements médico-sociaux (qui n'ont pu mettre à jour leurs chiffres mercredi en raison d'un "problème technique"), soit un total de 10.869 décès.

Au total, 7.148 patients gravement atteints sont en réanimation, "un record absolu en France", signe que l'épidémie "est toujours très active" a relevé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon.

Toutefois, avec les sorties, l'augmentation nette du nombre de patients en réanimation est de moins en moins forte, avec un solde de +17 mercredi.

"C'est une situation exceptionnelle qui s'inscrit durablement dans le temps", a encore répété le N°2 du ministère de la Santé. "Sauvez des vies, évitez des drames humains, restez s'il vous plait chez vous!"

Dans le Grand Est, première région à avoir été durement touchée par l'épidémie, le pire semble passé, selon Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique sur le Covid. Le gouvernement a limogé le directeur de l'Agence régionale de Santé (ARS), qui avait suscité un tollé en estimant qu'il fallait poursuivre les suppressions de postes au CHRU de Nancy.

"La situation continue d'être préoccupante" en Ile-de-France, où plus de 2.500 malades sont hospitalisés en réanimation, selon l'ARS qui juge "très probables" que de "nouveaux transferts de patients" vers d'autres régions soient organisés rapidement.

La maladie pourrait avoir touché jusqu'au porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, qui croisait dans l'Atlantique et va avancer son retour: une quarantaine de cas suspects de coronavirus ont été découverts à son bord.

- Pas de "guerre des masques" -

Sur le front de la recherche, les essais cliniques se poursuivent mais pour l'essai Discovery, qui porte sur quatre traitements possibles, les premières tendances ne sont pas attendues avant fin avril, selon ses promoteurs.

"C'est une maladie qui est beaucoup plus compliquée qu'on ne le croyait, qui touche des organes, le système nerveux, la coagulation, le cœur", a décrit Gilles Pialoux, chef de service de l'unité des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, sur BFMTV et RMC.

Pendant ce temps, la France poursuit ses efforts pour s'approvisionner en masques, convoités par l'ensemble de la planète, où l'épidémie a fait plus de 82.700 morts.

Les "commandes sûres" atteignent désormais 1,6 milliard d'unités, selon le ministre de la Santé Olivier Véran. Après avoir été suspendu en raison du durcissement des contrôles sanitaires, le pont aérien avec la Chine pour acheminer du matériel médical et des masques reprend via Séoul.

Alors que le gouvernement maintient pour l'heure sa recommandation de réserver l'usage des masques aux soignants et personnes infectées, l'association des maires de France recommande à son tour le port du masque artisanal.

Le gouvernement, qui continue à préparer l'après, planche aussi au développement d'une application sur smartphone, utilisable "sur la base du volontariat" pour identifier les personnes ayant été en contact avec une autre infectée par le coronavirus.

Stéphane ORJOLLET, avec les bureaux de l'AFP

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