La Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC) a choisi de défier l'Union africaine (UA) en se prononçant samedi sur le recours de l'opposant Martin Fayulu, qui conteste les résultats provisoires de l'élection présidentielle du 30 décembre.

"L'audience aura lieu aujourd'hui (samedi) à 15h00" locales, soit 14h00 GMT, a déclaré à l'AFP Baudouin Mwehu, attaché de presse au cabinet du président de la Cour.

Celle-ci a donc décidé de passer outre aux injonctions des poids lourds de l'UA, qui avait appelé jeudi à la "suspension" de la proclamation des résultats définitifs, parce qu'elle considère que ceux annoncés par la Commission électorale (Céni) sont entachés de "doutes sérieux".

Cette prise de position de l'organisation continentale a été dénoncée par le gouvernement congolais et par les partisans de l'opposant Félix Tshisekedi, déclaré officiellement vainqueur, comme une atteinte à la souveraineté de la RDC.

Selon les résultats provisoires proclamés le 10 janvier par la Commission, M. Tshisekedi a devancé avec 38,5% des voix l'autre opposant Martin Fayulu (34,8%), très loin devant le candidat du pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary (23%).

Si ces résultats sont validés par la Cour constitutionnelle, M. Tshisekedi, fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, devrait donc succéder à Joseph Kabila, 47 ans, au pouvoir depuis l'assassinat de son père en 2001.

Le calendrier de la Céni prévoit normalement qu'il prête serment le 22 janvier, mais il n'est pas sûr du tout qu'il puisse être tenu.

M. Fayulu a dénoncé un "putsch électoral" du président sortant avec la "complicité" de M. Tshisekedi et revendiqué la victoire avec 61% des voix. Il a déposé le 11 janvier un recours devant la Cour constitutionnelle.

En exposant mardi ses arguments devant la plus haute juridiction du pays, Me Toussaint Ekombe, l'avocat de M. Fayulu, l'avait appelée à "annuler les résultats provisoires" et à ordonner un "recomptage des voix".

M. Fayulu a entretemps été conforté dans ses affirmations par la publication dans la presse internationale des propres estimations de l'influente Église catholique et de celles du Groupe des experts sur le Congo (GEC) de l'université de New York, sur la base de documents qui auraient fuité de la Céni, qui le donnent toutes vainqueur avec environ 60% des voix.

- 'Non à l'ingérence' -

Il a reçu une autre bonne nouvelle avec l'annonce par l'UA de l'envoi lundi à Kinshasa d'une délégation de haut niveau conduite par le président de sa Commission, le Tchadien Moussa Faki, et son président en exercice, le chef de l'État rwandais Paul Kagame.

La Cour pourrait valider la victoire de M. Tshisekedi ou simplement annuler l'élection, ce qui permettrait à M. Kabila de rester au pouvoir jusqu'à un nouveau scrutin. L'option d'un recomptage semble la moins probable.

Les neuf juges de la Cour constitutionnelle sont largement considérés comme acquis à M. Kabila. Plusieurs sont ses anciens alliés politiques, comme son ex-conseiller juridique Norbert Nkulu Kilombo. Le président de la Cour, Benoît Luamba Bindu, est aussi l'un de ses proches.

Le camp Fayulu ne se fait pas d'illusion sur impartialité du tribunal mais rêve, sans trop y croire, d'un scénario kényan. En 2017, la Cour suprême kényane avait invalidé le résultat de la présidentielle, une première en Afrique.

Si M. Tshisekedi est confirmé vainqueur, il devra cohabiter avec le camp présidentiel, qui a obtenu 337 sièges sur 500 à l'Assemblée nationale élue en même temps que le chef de l'Etat, selon les résultats de la Céni, et sera donc chargé de désigner le Premier ministre.

MM. Tshisekedi et Fayulu s'accordent tous les deux à voir dans les résultats des législatives, incompatibles pour eux avec ceux de la présidentielle, une manipulation de la Céni.

La Cour constitutionnelle, qui avait mis sa décision en délibéré mardi soir, doit également statuer sur le recours d'un candidat mineur.

Des centaines de sympathisants de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de M. Tshisekedi, se sont réunis aux abords de la Cour vers 13h00 locales. Un cordon de policiers anti-émeute les a maintenus à distance du bâtiment, dans le calme, selon une journaliste de l'AFP.

"Non à l'ingérence", "Congo pas Rwanda", "pays indépendant", pouvait-on notamment lire sur les pancartes brandies par ces militants.

Un message adressé en particulier au président Kagame, régulièrement accusé depuis 25 ans d'ingérence en RDC.

AFP
Le 20 janvier 2019

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