Alors que le monde fait face à la pandémie covid-19, en Guinée, une compagnie minière vient de relocaliser 91 familles, soit plus de 600 personnes, afin d’étendre sa mine de bauxite tentaculaire sous financement de la SFI, filiale de la Banque Mondiale. L’on se croirait dans le film avatar de James Cameron où tout est fait pour déplacer des indigènes afin d’exploiter des minerais sous leurs habitations.

En Guinée, l’on est passé malheureusement de la fiction à un vrai avatar hors caméras et dans un contexte de pandémie covid-19 que l’imagination des scénaristes hollywoodiens n’avait pas prévu. Les habitants du village de Hamdallaye dans la région de Boké ont été déplacés de force vers un site de réinstallation inachevé avec un seul puits d’eau au moment du déménagement.

La relocalisation a été réalisée par la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), une coentreprise détenue par Halco Mining ( Alcoa et Rio Tinto) et l’Etat Guinéen. Celle-ci, dans une de ses publications, estimait pourtant que le déménagement avait été fait en concertation avec les résidents de Hamdallaye en vue d’assurer une relocalisation réussie du village. “Ce déménagement s’est déroulé en toute santé et sécurité, et surtout aussi conforment aux mesures sanitaires de prévention contre le COVID-19”, se félicitait la CBG, à un brin de s’attribuer la médaille d’or de l’initiative participative.

“La délocalisation de Hamdallaye est l’un des exemples les plus flagrants d’une tendance plus large, où les sociétés minières ignorent les menaces réelles de la pandémie et continuent de fonctionner, en utilisant tous les moyens disponibles”, indique un rapport publié le 19 juin par les organisations guinéennes, à savoir le Centre du Commerce International pour le Développement (CECIDE) et l’Association pour le développement rural et l’entraide mutuelle en Guinée (ADREMGUI), et l’Inclusive Development International basé aux États-Unis.

Pour ces acteurs associatifs, la réinstallation par CBG du village de Hamdallaye viole les exigences environnementales et sociales de la Société financière internationale (SFI), la branche des prêts au secteur privé de la Banque mondiale.

Rio Tinto qui a fait récemment la une des journaux pour la destruction d’un abri sous roche aborigène vieux de 46 000 ans pour agrandir une mine en Australie n’a pas encore répondu aux organisations. Même silence radio de la Banque Mondiale dont la prise en compte du volet impact communautaire dans le processus d’approbation des financements des projets par sa filiale, la Société financière internationale (SFI), et elle-même, tarde à se concrétiser.

 

Pour rappel, en 2016, la SFI avait accordé un prêt de 200 millions de dollars pour étendre les activités minières de la société. De son côté, la Overseas Private Investment Corporation du gouvernement américain (maintenant appelée International Development Finance Corporation) avait fourni 150 millions de dollars supplémentaires. Un montant supplémentaire de 473 millions de dollars provenait d’un syndicat de banques commerciales: la Société Générale française, BNP Paribas, le Crédit Agricole et Natixis; la filiale allemande de la banque ING, ING-DiBa; et deux banques guinéennes, la Société Générale de Banques en Guinée et la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Guinée, membre du groupe BNP Paribas. Le gouvernement allemand a garanti une partie du financement par le biais de son programme de garanties de prêt non liées.

 

Financialafrik, Par Albert Savana

 

Le 22 juin 2020

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