Les dollars de la bauxite guinéenne aux dépens de l environnement ?

Confrontée à la stagnation de sa croissance, la République de Guinée fait également face à une situation environnementale inquiétante. Si le pays de 12 millions d’habitants semble avoir fait le choix de préserver ses ressources naturelles, ses dirigeants hésitent encore à céder totalement aux appels du pied de la Chine, attirée par ses exceptionnelles réserves en bauxite.

 

Lancé le 3 juin par le Premier ministre Mamady Youla, « l’initiative pour le développement minier responsable » a déjà produit de premiers résultats prometteurs pour l’avenir de la Guinée. Moins d’un mois après, le ministre des mines, Abdoulayge Magassouba, a ainsi signé une convention de base « révisée et consolidée » avec le producteur minier AngloGold Ashanti (SAG), qui a promis 417 millions de dollars d’investissement sur une durée de 14 ans. Pour l’État guinéen, cette prolongation de contrat constitue d’abord une réussite économique, synonyme de 30 millions de dollars de bénéfices publics par an. C’est également une avancée environnementale majeure, puisque SAG s’est engagé à « assumer pleinement sa responsabilité sociétale », notamment en menant ses opérations minières dans le respect des dispositions définies par la Guinée « en matière de santé, de travail, de sécurité et d’environnement ».

La bauxite, solution aux problèmes économiques de la Guinée ?

Comme de nombreux pays africains, la Guinée est aujourd’hui à la croisée des chemins, partagée entre la nécessité d’augmenter ses revenus et l’obligation de préserver son capital environnemental. Avec un secteur minier responsable de près de 15 % de son PIB, le pays a déjà fait les frais d’une exploitation non raisonnée, source de pollution, de déforestation et de rarification des ressources. Alors que le budget national est en baisse de 5 % en 2016 et que la croissance a chuté à 0,6 % en 2014 à la suite du virus Ebola, Alpha Condé, président de la République de Guinée, ne peut ignorer l’intérêt de la Chine pour l’exceptionnelle richesse du territoire guinéen en bauxite.

Assise sur un potentiel estimé à 25 milliards de tonnes, la Guinée possède un tiers des réserves mondiales de ce précieux minerai, indispensable à la production d’aluminium. Si la société française Alliance minière responsable (AMR) détient déjà un permis d’exploration sur un gisement de 295 km2 de bauxite, le gouvernement guinéen est surtout en contrat avec le plus grand producteur chinois d’aluminium, China Hongqiao Group. Après avoir investi 200 millions de dollars dans l’affaire, le géant asiatique a reçu en juillet 2015 sa première livraison de 170 000 tonnes de bauxite, dont il espère importer 10 millions de tonnes par an dans quelques années. Mais pour la Guinée, le business avec la Chine n’est pas sans risque, comme le prouvent les expériences désastreuses avec les précédents pays fournisseurs de l’Empire du milieu.

L’insatiable appétit de la Chine pour la bauxite

Leader mondial de la production d’aluminium, la Chine a d’abord fait affaire avec le Vietnam et l’Indonésie, dont elle a vidé les sous-sols en bauxite en ignorant les règles fondamentales en matière de droit du travail, de santé et d’environnement. Après la fermeture successive des mines par les autorités locales, les sociétés chinoises se sont repliées sur la Malaisie, où la production de bauxite a été multipliée par huit depuis 2013. Mais le 15 janvier 2016, le gouvernement malaisien a été contraint d’en suspendre l’extraction à la suite d’énormes dégâts causés par les exploitants. Ces derniers sont accusés d’avoir gravement pollué les eaux et l’air dans les zones de gisement, provoquant des maladies respiratoires et cutanées parmi la population.

En se tournant vers la Guinée après le refus de l’Australie, la Chine promet de reproduire le même schéma qu’ailleurs, employant sa propre main-d’œuvre pour tirer profit des ressources sur place. Avec seulement une faible, voire aucune contrepartie pour l’emploi local, cette pratique risque en plus d’aggraver les problèmes environnementaux dans le pays, à l’image de ses prédécesseurs vietnamien, indonésien et malaisien. Une erreur qui pourrait condamner tout espoir de croissance durable pour la République de Guinée.

 

Célia Morin

http://www.actu-economie.com/business/

Le 18 août 201


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