La Guinée a lancé cet été un appel d'offres international pour développer une partie du gigantesque projet minier de Simandou. Le géant australien du fer Fortescue et un consortium guinéo-asiatique viennent de se porter candidats. Depuis plus de vingt ans, difficultés et conflits empêchent ce méga-gisement d'être exploité.

 

Entamée il y a plus de vingt ans, la saga Simandou repart. Ces montagnes au sud-est de la Guinée, qui abritent le plus gros gisement de fer de haute qualité encore inexploité de la planète, sont à nouveau au coeur des convoitises des groupes miniers. Cet été, le gouvernement a lancé un appel d'offres international pour attribuer les droits miniers sur deux des quatre blocs du méga-gisement.

Après des années de bataille juridique, en février l'Etat guinéen a repris ces concessions à BSG Resources, la société du milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz ( qui doit être jugé en Suisse pour corruption ).  Un accord amiable a été trouvé , notamment grâce à une visite de Nicolas Sarkozy à Conakry. L'ancien chef d'Etat français redevenu avocat, a fait office de « facilitateur » entre Beny Steinmetz et le président guinéen Alpha Condé,  raconte « Jeune Afrique » .
De la bauxite au fer

Deux candidats ont déposé une offre la semaine dernière. Le géant australien du fer Fortescue Metals Group d'un côté, et SMB Winning de l'autre, un consortium monté en 2014 pour extraire de la bauxite dans le pays et composé de la Société minière de Boké, du singapourien Winning Shipping - le plus grand transporteur maritime d'Asie -, de deux groupes chinois - l'un leader de la production d'aluminium, l'autre gérant du port de Yantai - et enfin d'UMS, société qui domine le transport et la logistique en Guinée.

Beny Steinmetz, insaisissable magnat des matières premières

« Les détails de l'offre de Fortescue sont confidentiels et il n'y a aucune garantie que la proposition que nous avons faite soit acceptée », a indiqué le PDG du groupe Elizabeth Gaines à Reuters. Le gouvernement pourrait en tout cas prendre une décision rapidement. La Guinée cherche à développer Simandou depuis deux décennies. Ce projet auquel le pays, qui est l'un des plus pauvres au monde, tient plus que tout pourrait, selon certaines projections, contribuer à doubler son produit intérieur brut (PIB).

Un projet à 20 milliards

Les investissements à faire sont toutefois colossaux, en particulier parce que les infrastructures sont quasi-inexistantes. Pour acheminer la production de ce minerai essentiel à la fabrication de l'acier, il faudra par exemple construire un chemin de fer de plus de 600 kilomètres à travers le pays, de la montagne jusqu'à un port en eau profonde.

Dans une note sur Fortescue Metals Group, les analystes de JPMorgan qui suivent la valeur cotée à la Bourse de Sydney estiment qu'en dépit des « opportunités à venir que Simandou pourraient offrir à la compagnie, le marché sera prudent en raison des difficultés rencontrées par Rio Tinto […] et des risques géopolitiques plus larges qui accompagnent un projet ouest-africain ».

Premier arrivé en 1997 pour mettre au jour le gisement, Rio Tinto a voulu jeter l'éponge en 2016. Officiellement parce que les cours du minerai, trop bas, rendaient ce gigantesque projet estimé à 20 milliards de dollars difficilement viable. Le groupe y a englouti bien plus d'un milliard de dollars et accumulé les déboires au cours de ces décennies agitées par des querelles et des accusations à la hauteur de l'enjeu. Avec le chinois Chinalco et le gouvernement guinéen, Rio Tinto possède les deux autres blocs du gisement, qu'il n'a pas réussi à revendre. Ses intentions actuelles restent imprécises.

 

Muryel Jacque, lesechos.fr

 

Le 10 octobre 2019

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