Le G5 Sahel lance sa force antiterroriste avec l'appui de la France

BAMAKO - Les présidents malien et français ont annoncé dimanche à Bamako le lancement d'une force conjointe du "G5 Sahel" contre les groupes djihadistes qui continuent de frapper dans la région malgré la présence du contingent français de Barkhane et des casques bleus de la mission de l'Onu (Minusma).

Invité du sommet extraordinaire des chefs d'Etat du G5 Sahel (Mali, Tchad, Mauritanie, Niger, Burkina Faso), Emmanuel Macron, qui s'était rendu le 19 mai à Gao auprès des troupes françaises, s'est engagé à un appui financier et logistique "d'un peu plus de huit millions d'euros" d'ici à la fin de l'année.

Après deux ans de discussions, les cinq pays du Sahel se sont mis d'accord en février sur la création d'une force régionale, idée soutenue de longue date par Paris, qui aura la possibilité d'agir au-delà des frontières et se concentrera sur la zone limitrophe entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

Cette force, qui devrait débuter avec quelque 5.000 hommes, devrait compter à terme 10.000 hommes et établira son quartier général à Sévaré, dans le centre du Mali.

En raison des réticences de Washington, la force sahélienne n'a pas reçu de mandat de l'Onu lors de la réunion du Conseil de sécurité du 21 juin et ne disposera donc pas - dans l'immédiat tout au moins - de fonds supplémentaires des Nations unies.

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a déclaré dimanche que les cinq pays du "G5" évaluaient son coût total à 423 millions d'euros. Un financement loin d'être bouclé.

L'Union européenne a d'ores et déjà promis 50 millions d'euros et "chacun de nos Etats (du G5-NDLR) va faire l'effort de dix millions d'euros", a dit Ibrahim Boubacar Keïta lors d'une conférence de presse conjointe avec Emmanuel Macron.

70 VÉHICULES TACTIQUES

La France apportera un soutien opérationnel accru, via Barkhane, opération qui compte quelque 4.000 hommes, en fournissant "conseils, assistance et accompagnement au combat", a précisé le président français.

Paris mettra à la disposition de cette force régionale 70 véhicules tactiques, du matériel de communication, une aide en infrastructures et transmissions, ainsi qu'"un soutien à la mise en place des centres de préparation à l'engagement opérationnel, au Burkina Faso, au Niger et au Mali".

Cette "alliance pour le Sahel" sera également assortie d'un volet humanitaire avec un engagement français de 200 millions d'euros pour des "initiatives transfrontières sur les zones de crise" dans les domaines de l'éducation, de l'agriculture et des énergies renouvelables.

"L'Allemagne, l'Union européenne, la Banque mondiale, le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement-NDLR) ont vocation à alimenter cette dynamique, à joindre l'alliance pour le Sahel et à entraîner dans une coalition de volontaires les bailleurs les plus motivés pour faire la différence sur le terrain", a dit Emmanuel Macron.

"Nous avons besoin pour être crédibles collectivement de résultats rapides", a-t-il lancé à l'attention des dirigeants du "G5". "C'est maintenant une question de semaines".

"Le défi qui est le nôtre désormais, c'est que les états-majors s'organisent, que les décisions soient mises en oeuvre le plus vite possible pour que vous puissiez d'ici à la fin du mois d'août visiter une première trace de ce commandement et son organisation", a-t-il dit au président malien.

"L'important, c'est que cette force conjointe soit pleinement opérationnelle à l'automne, avec les premiers financements débloqués à l'automne, et qu'elle ait ses premiers résultats", a-t-il ajouté.

PAS UNE FORCE DE SUBSTITUTION

Emmanuel Macron a souligné que ce contingent ne viendrait "en aucun cas se substituer ou se confondre avec Barkhane ou la Minusma", alors que cet embryon de force est présenté comme un possible relais à terme de la force de maintien de la paix de l'Onu et de l'opération antiterroriste française.

Le président français a salué "une nouvelle dynamique" tout en soulignant la nécessité d'obtenir des résultats dans la mise en oeuvre des accords de paix d'Alger de 2015 censé neutraliser les djihadistes.

"Les prochaines semaines sont critiques pour leur bon respect", a-t-il affirmé.

Auparavant, il avait vivement exhorté les dirigeants régionaux à cesser de "faire semblant de faire" sous peine d'être "battus" par les djihadistes.

"Nous pouvons considérer qu'on va faire comme avant : ne pas parler des vrais problèmes, faire semblant de faire, évoquer le passé glorieux ou les pages sombres, et en rester là, nous mentir et mentir à nos populations, puis prendre des airs de victimes quand nous sommes attaqués", avait-il asséné.

"Ceux qui sont en face de nous n'attendent pas", a convenu par la suite le président malien.

(Sophie Louet, avec Joe Bavier à Bamako)
Reuters
Le 2 juillet 2017

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