Prendre le thé avec le roi du peuple ghanéen des Asante, c'est aussi du travail pour le prince de Galles, en tournée en Afrique de l'Ouest, dans un contexte de sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne.

Héritier d'un trône occupé par sa mère la reine Elizabeth II depuis presque aussi longtemps qu'il est en vie, le prince Charles, qui aura 70 ans ce mois-ci, n'a officiellement aucune prérogative politique, ni diplomatique.

Mais sa tournée africaine - et les déplacements des autres membres de la famille royale - sont surveillés de près au moment où le Royaume-Uni est en plein Brexit.

Londres cherche un accord avec l'Union européenne avant le 29 mars 2019 et la Maison de Windsor doit participer à la préparation de l'ère post-Brexit.

Charles et son épouse, Camilla, ont entamé mercredi leur tournée en Gambie, au Ghana et au Nigeria, alors que leur fils cadet, Harry et sa nouvelle épouse Meghan, reviennent tout juste d'Australie, de Nouvelle-Zélande, des Fidji et de Tonga.

Peu de temps après le référendum sur le maintien dans l'UE en 2016, le fils aîné, William, avait effectué une tournée au Canada dans un effort apparent de ne pas couper le Royaume-Uni de la scène internationale.

Les pays choisis ne le sont pas au hasard et reflètent étroitement l'agenda politique et économique de Londres, selon les observateurs.

"Le lieu est choisi sur la demande du Foreign Office", a expliqué à l'AFP Penny Junor, auteur de nombreuses biographies du prince.

- diplomatie royale -

Tous les mouvements de la famille royale sont soigneusement chorégraphiés, que ce soit chez eux, ou à l'étranger. Les photos doivent refléter le prestige et le faste, mais toujours avec dignité et modestie.

Le prince, qui est le plus haut représentant de sa mère âgée de 92 ans, a des obligations diplomatiques vis-à-vis des présidents des trois pays ouest-africains où il se rend.

Il y aura des cérémonies, en amont des célébrations du 11 Novembre, en hommage aux soldats des anciennes colonies de la Couronne tués au cours des deux guerres mondiales.

Le Ghana a également organisé un "Durbar", journée traditionnelle spectaculaire, à Kumasi, la deuxième ville du pays, pour célébrer les liens culturels au sein du Commonwealth que Charles dirigera un jour.

Mais la politique n'est jamais très loin, et il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec le Brexit et l'agenda international britannique en ces temps agités.

Le roi ghanéen l'a lui-même remarqué, reconnaissant que "pour que notre histoire commune ait du sens et renforcer les liens qui nous unissent, nous devons avoir le courage de développer mutuellement nos économies, particulièrement dans le contexte du Brexit".

Pour Elizabeth Donnelly, de Chatham House, la tournée actuelle de Charles est "la continuité de la diplomatie douce" déjà amorcée par la visite de la Première ministre Theresa May, en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya il y a quelques mois.

- Commonwealth -

Stimuler les échanges commerciaux avec les 52 autres pays du Commonwealth est un moyen de compenser les pertes du Royaume Uni entrainées par le départ de l'UE, son plus grand partenaire commercial.

La Gambie, le Ghana et le Nigeria sont membres du Commonwealth, tout comme les pays visités par le prince Harry ou lors du voyage de William au Canada.

Le Commonwealth est un marché très important, avec 2,4 milliards d’habitants répartis sur les cinq continents.

Dix-neuf de ces pays se trouvent en Afrique, où le Premier ministre May souhaite que la Grande-Bretagne soit le plus grand investisseur étranger du G7 d'ici 2022.

Au Ghana, la Grande-Bretagne a investi 2 milliards de livres du pays au cours des 20 dernières années.

Au Nigéria aussi, le pays le plus peuplé d'Afrique avec 180 millions d'habitants et qui compte une diaspora importante en Grande-Bretagne, Londres souhaite accroître les échanges commerciaux, ainsi que soutenir la création d'emplois dans le pays.

- convoitises -

Isaac Arthur, analyste économique basé à Accra, estime que cela correspond également à la politique du président ghanéen Nana Akufo-Addo qui veut dynamiser "le commerce et non l'aide".

"Les relations de la Grande-Bretagne avec le Ghana ont été cantonné à l'aide au développement pendant de nombreuses années", souligne M. Arthur.

"Mais cette fois, les deux pays veulent renforcer leurs relations bilatérales, en particulier en ce qui concerne le commerce".

"Je pense que cela va dans la bonne direction", commente l'analyste, notamment dans un contexte de croissance rapide (le Ghana devrait connaître une croissance supérieure à 8,0%).

Le petit pays d'Afrique de l'Ouest attire d'ailleurs les convoitises: la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron se sont tous deux rendus à Accra cette année.

Mais dans un pays où les traditions sont encore fortes, boire le thé chez le roi des Asante "peut faire la différence", souligne Elizabeth Donnelly.

AFP
Le 5 novembre 2018

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