Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a rencontré mercredi Casques bleus et populations déplacées à Bangassou (sud-est de la Centrafrique), ville mise en coupe réglée par les miliciens, et où il a fustigé ces groupes armés "criminels" qui veulent faire du pays "un enfer".

De retour de Bangassou, M. Guterres a rencontré mercredi soir à huis clos à Bangui des victimes de violences sexuelles et des familles de victimes.

Les contingents onusiens font face depuis plusieurs mois à une avalanche d'accusations d'agressions sexuelles, ayant mené notamment au renvoi du contingent congolais en juin (plus de 600 soldats).

Auparavant, il s'est rendu à Bangassou, à 700 km à l'est de la capitale, où il a été accueilli par le préfet fraîchement nommé. Le patron de l'ONU s'est rendu au camp de la force onusienne, où il a déposé une gerbe et observé une minute de silence en hommage aux Casques bleus tués.

M. Guterres a déclaré être venu "ici pour exprimer (sa) gratitude, (sa) solidarité et (son) admiration. Vous faites un travail d'un courage extraordinaire, je suis fier d'être votre collègue", a-t-il lancé aux soldats de la paix, se disant "conscient des difficultés d'une opération de maintien de la paix avec des ressources limitées".

C'est à Bangassou que neuf Casques bleus ont été tués entre mai et juillet, et où ces mêmes Casques bleus - gabonais, marocains et sénégalais notamment - tentent aujourd'hui de prévenir l'attaque par les milices antibalaka ("antimachettes") d'un peu moins de 2.000 déplacés musulmans qui ont trouvé refuge dans un séminaire catholique.

Les 35.000 habitants de cette ville à majorité chrétienne, frontalière de la RD Congo, vivent depuis mai sous le joug des miliciens antibalaka, prétendant défendre la minorité chrétienne contre les groupes armés peuls et musulmans.

Sous la protection des Casques bleus et sous un soleil de plomb, le secrétaire général a visité le camp des déplacés, dialoguant avec quelques-uns.

"Je suis profondément ému de voir votre souffrance", leur a-t-il déclaré.

La République centrafricaine est un pays "qu'un groupe de criminels essaie de transformer en enfer", a lancé M. Guterres. "Je sais que c'est difficile de parler de réconciliation quand on a souffert. Mais la seule solution, c'est la réconciliation, avec notamment la justice (...). On ne va pas faire des miracles, tout ça va prendre du temps. Je vous demande de la résilience", a-t-il ajouté, sous les applaudissements des déplacés.

- 'Prison à ciel ouvert' -

"Notre appartenance (religieuse) est un prétexte pour nous condamner à mort et nous expulser de la terre de nos aïeux. Nous avons l'impression d'être dans une prison à ciel ouvert", a déclaré l'une des représentantes des déplacés, face au secrétaire général.

Cette visite "est un signe d'espoir (...). Peut-être que les choses vont changer et qu'on pourra sortir et vivre, enfin", a commenté Mariam, déplacée musulmane du camp de 24 ans, un bébé dans les bras.

La tension s'est notablement accrue ces derniers jours dans la ville, à mesure que s'est intensifiée la "guerre" dans la région entre antibalaka, pilotés depuis Bangassou, et l'Union pour la paix en Centrafrique (UPC), un groupe peul. Des affrontements ont eu lieu à Kembé et Pombolo ces dernières semaines, qui ont fait des dizaines de victimes, selon des sources onusiennes.

Arrivé mardi à Bangui mardi, pour sa première visite à une mission de paix de l'ONU depuis sa prise de fonctions en janvier, M. Guterres avait appelé la communauté internationale à mobiliser davantage de "ressources et de capacités pour aider la République centrafricaine".

Il a plaidé pour un renforcement de 900 Casques bleus de la mission de l'ONU dans le pays, la Minusca, forte de 12.500 hommes. Cette demande doit être actée par le Conseil de sécurité, qui renouvelle en novembre le mandat de la mission.

"Il nous faut renforcer la dimension et les capacités" de la Minusca et oeuvrer à une "solidarité active" avec Bangui, a-t-il martelé mercredi, après un entretien avec le président centrafricain Faustin Archange Touadéra.

La visite du secrétaire général intervient dans un contexte tendu en Centrafrique: si la capitale reste épargnée par les violences, groupes armés et milices ont repris leurs affrontements et commettent des massacres à grande échelle dans le Sud-Est, dans le centre et dans le Nord-Ouest, faisant des centaines de morts.

La visite de M. Guterres est également un message politique fort, à un moment où les critiques pleuvent sur la mission de l'ONU.

Outre les accusations d'agressions sexuelles, les Casques bleus sont accusés de "passivité" et de "parti pris" (cette accusation visant plus particulièrement les Marocains à Bangassou).

Jeudi, il rencontrera les forces européennes qui forment l'armée centrafricaine en pleine reconstruction. Il s'entretiendra avec les autorités sur le programme de désarmement soutenu par l'ONU.

AFP
Le 26 octobre 2017