Des dizaines de milliers de personnes, dont beaucoup issues de la diaspora, dénoncent la corruption du gouvernement.
La colère des Roumains ne s'apaise pas. Samedi et dimanche, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à manifester, comme vendredi, à Bucarest et dans plusieurs villes du pays, pour dénoncer la corruption, les violences policières et pour réclamer la démission du gouvernement social-démocrate. Ces protestataires sont en large partie des Roumains de la diaspora, expatriés à l'étranger et revenus spécialement dans leur pays pour participer au grand rassemblement prévu vendredi et réclamer la démission du premier ministre, Viorica Dancila, qu'ils accusent d'entretenir une corruption généralisée et de vouloir contrôler la justice. Quatre-vingt mille personnes ont répondu à l'appel, dans la capitale mais aussi à Sibiu, au centre du pays, et à Timisoara, à l'ouest. En marge de ces manifestations, des violences entre «casseurs» et les forces de l'ordre ont fait plus de 450 blessés, dont une trentaine de gendarmes.
Cette crise inquiète les dirigeants européens, d'autant plus que la Rou­manie doit assumer la présidence tournante de l'UE pour six mois à partir du 1er janvier 2019
Ces quinze dernières années, 4 millions de Roumains (sur 20 millions d'habitants) ont émigré, en Europe occidentale et sur le continent américain, laissant souvent au pays leur famille à qui ils envoient une bonne partie de leurs revenus. Une manne qui s'élevait à 4,3 milliards d'euros en 2017, soit 2,5 % du PIB. Les Roumains sont excédés de voir ces revenus «s'évaporer» à cause de la corruption et des détournements divers. Le salaire moyen dans ce pays, l'un des plus pauvres de l'Union européenne - que la Roumanie a rejoint en 2007 - s'élève à 520 euros. Chef de file du Parti social-démocrate, Liviu Dragnea a remporté les législatives de 2016 mais, accusé de fraude électorale et de corruption, il n'a pu accéder au poste de premier ministre.
Viorica Dancila, qui l'a remplacé, s'est lancé dans une vaste réforme de la justice visant à réduire le pouvoir des magistrats, de manière à permettre aux hommes politiques d'échapper aux poursuites, ainsi que le dénoncent les opposants. Les manifestations de rue se succèdent depuis.
Crise politique et sociale
La crise sociale se double d'une crise institutionnelle et politique. En conflit ouvert avec la majorité parlementaire de gauche, le président de centre droit Klaus Iohannis a fustigé vendredi «l'intervention brutale et disproportionnée» des forces de l'ordre contre les manifestants antigouvernementaux. L'opposition dénonce ainsi le fait que les gendarmes ont commencé vendredi soir à faire usage de gaz lacrymogène avant même que des hooligans ne viennent perturber la manifestation. Selon le président Iohannis, le gouvernement «œuvre contre les intérêts des citoyens» et mène le pays vers «le chaos et le désordre».
Cette crise inquiète les dirigeants européens, d'autant plus que la Roumanie doit assumer la présidence tournante de l'UE pour six mois à partir du 1er janvier 2019. Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, dont le pays préside actuellement l'Union, a condamné ces violences et demandé des «clarifications» sur les circonstances dans lesquelles plusieurs journalistes, dont un travaillant pour la télévision publique autrichienne ORF, ont été blessés.

Barluet, Alain, lefigaro.fr
Le 13 août 2018

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