Au lendemain de l'invalidation de 40 candidatures sur 44 à l'élection présidentielle, dont celles de l'ancien chef d'État Laurent Gbagbo et de l'ex-chef rebelle et ancien Premier ministre Guillaume Soro, l'opposition a dénoncé, mardi, le "caractère tyrannique du régime".

L'opposition ivoirienne n’a pas goûté la décision du Conseil constitutionnel. La veille, l’instance a validé la candidature controversée du président Alassane Ouattara à un troisième mandat et rejeté 40 des 44 candidatures déposées, dont celles de l'ancien chef d'État Laurent Gbagbo et de l'ex-chef rebelle et ancien Premier ministre Guillaume Soro. L'annonce de cette candidature avait provoqué des affrontements, notamment communautaires, qui avaient fait une quinzaine de morts en août.

Un ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, Pascal Affi Nguessan, dont la candidature a été validée, a condamné, mardi 15 septembre, "la spirale de l'exclusion dans laquelle s'enfonce la Côte d'Ivoire", qu'il a qualifiée de "manifestation la plus aboutie du caractère tyrannique du régime".                

Le spectre de la reprise des violences

"Le Conseil constitutionnel a raté l'occasion historique de marquer son indépendance : en acceptant la candidature du président sortant, manifestement inéligible, en refusant celles du président Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, privés de leurs droits civiques pour de purs motifs d'opportunité politique", a-t-il dénoncé dans un communiqué.

Élu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait initialement annoncé en mars sa décision de renoncer à briguer un troisième mandat. Avant de changer d'avis en août, après le décès soudain d'un infarctus de son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, qu'il avait désigné comme son dauphin.

Le Conseil a estimé qu'avec la nouvelle constitution de 2016, le pays était entré dans une nouvelle république et donc que le compteur des mandats était remis à zéro, même si le nouveau texte, comme le précédent, limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

La crainte de violences meurtrières à l'approche du scrutin du 31 octobre est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3 000 morts, après le refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.

Une "liste partielle et partiale"

Acquitté en première instance de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale, M. Gbagbo attend en Belgique un éventuel procès en appel. Ses partisans avaient déposé sa candidature à la présidentielle, mais lui-même ne s'était jamais exprimé sur le sujet.

Sa candidature a été invalidée en raison d'une condamnation en janvier 2018 à 20 ans de prison par la justice ivoirienne, dans le cadre de la crise de 2010-2011.

"Cette liste partielle et partiale m'oblige. Elle m'oblige à une victoire nette pour tourner cette page noire de l'histoire de notre pays", a assuré M. Affi Nguessan.

Guillaume Soro, dont la candidature a été jugée irrecevable en raison d'une condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour recel de "détournement de deniers publics", avait réagi dès lundi soir sur Twitter et Facebook.

"Je conteste vigoureusement la décision injuste et infondée prise par le Conseil constitutionnel. Je considère que c'est une décision inique, politiquement motivée, juridiquement boiteuse et qui s'inscrit dans une logique d'anéantissement de la démocratie et l'État de droit", a affirmé M. Soro, ancien allié de Ouattara qu'il a aidé à accéder au pouvoir en 2010, avant de se brouiller avec lui en 2018.

Dénonçant "le parjure de Alassane Ouattara", Guillaume Soro, qui vit en exil, a annoncé engager "une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre mais nous la gagnerons", a-t-il promis, annonçant qu'il s'exprimerait davantage lors d'une conférence de presse, en France, jeudi.

Une Commission électorale indépendante "inféodée"
De son côté, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire de l'ancien président Henri Konan Bédié, dont la candidature a été validée et qui s'annonce comme le principal adversaire du président Ouattara, n'a pas réagi à la décision du Conseil. Il a toutefois annoncé mardi "ne pas participer aux élections des bureaux des Commissions électorales locales du 15 septembre".

Le PDCI et l'opposition demandent depuis des mois une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) qu'ils jugent "inféodée" au pouvoir et ont déjà brandi ouvertement ou de manière voilée la menace d'un boycott du scrutin. 

L'absence de participation du PDCI n'empêchera pas le processus électoral de suivre son cours, selon la CEI. Elle devrait assurer au parti du président Ouattara la plupart des présidences locales, mais l'élection d'une majorité de présidents lui était déjà acquise en raison de la composition de ces commissions, a souligné un observateur.

Lundi, alors que la décision du Conseil constitutionnel n'était pas connue, des manifestations et marches contre la candidature de Ouattara se sont terminées par des affrontements avec les forces de l'ordre, dans plusieurs villes de Côte d'Ivoire. Un important dispositif policier était visible à Abidjan, mardi matin, alors que des renforts de forces de l'ordre ont été envoyés en province.

France24 Avec AFP
Le 15 septembre 2020

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