John Lewis est une figure incontournable de l'histoire des Etats-Unis, car c'était le dernier des grands militants des droits civiques des années 1960 aux côtés notamment de Martin Luther King, a expliqué l'historien de franceinfo Thomas Snégaroff ce samedi, après la mort de l'activiste à 80 ans.

"C'était le dernier encore vivant parmi ceux qui avaient pris la parole lors de la grande marche sur Washington, lorsque Martin Luther King avait prononcé son grand discours 'I have a dream'," a expliqué Thomas Snégaroff. L'historien spécialiste des Etats-Unis a rappelé que John Lewis "était un grand pourfendeur des violences policières" et qu'"il y a aujourd'hui beaucoup, beaucoup, beaucoup, des milliers, des millions d'enfants de John Lewis aux Etats-Unis".

franceinfo : Que représente la mort de John Lewis pour l'histoire des Etats-Unis ?

Thomas Snégaroff : John Lewis, c'est un jeune garçon qui, à 15 ans, entend parler de Rosa Parks qui ne s'est pas levée dans un bus pour ne pas laisser sa place et qui est habité, à partir de ce moment-là, par la lutte pour les droits civiques, pour les droits des Noirs en particulier. Il va écrire à Martin Luther King très peu de temps après pour lui dire "je veux entrer dans une université à côté de chez moi, dans l'Alabama, mais je suis Noir, on ne me laisse pas y aller alors que la Cour suprême permet d'y aller". Martin Luther King reçoit ce jeune homme d'une vingtaine d'années qu'il va appeler "the Boy from Troy", le garçon de Troy, la ville dans laquelle est le collège où il veut aller. Et il va continuer à cheminer, à compagnonner avec Martin Luther King toute sa vie.

Pour mesurer un peu ce que représente la disparition de John Lewis, c'est le dernier de ceux qu'on appelle les "Big Six", les six grands militants des droits civiques des années 1960. Il était le plus jeune d'entre eux, il représentait les étudiants non-violents à l'époque. C'était le dernier être vivant, qui avait pris la parole lors de la grande marche sur Washington, lorsque Martin Luther King avait prononcé son grand discours "I have a dream". Aujourd'hui, c'est une figure incontournable. En 2015, il était encore à Selma pour les 50 ans de la première marche qu'il avait organisé à Selma en 1965. Il était aux côtés de Barack Obama parce qu'évidemment, il a été un militant politique toute sa vie, élu dans l'Alabama depuis 1987 au Congrès, sans jamais s'arrêter depuis. C'est vraiment une figure extrêmement importante.

Quel rôle précis a-t-il joué aux côtés de Martin Luther King ?

Il a été celui qui a mobilisé les étudiants auprès de lui. Il a été l'un des grands organisateurs. Bien sûr, la lumière était sur Martin Luther King, mais John Lewis était tout le temps là. Sur les images, vous avez tout le temps John Lewis. Lors du grand discours "I have a dream", John Lewis prend la parole avant Martin Luther King, il prononce un discours extrêmement violent. Il y a eu une engueulade avant le discours d'ailleurs parce que pouvait-il prononcer un discours aussi violent ? Il était animé, il avait le feu en lui. Contrairement à Martin Luther King, qui savait un peu apaiser sa colère, le discours de John Lewis est d'une grande violence, extraordinaire, où il dit qu'il n'y a pas de quoi être fier d'être là, alors qu'il y a des centaines de milliers de personnes, des militants devant lui, parce que la police était encore en train de les taper. Il était un grand pourfendeur des violences policières. Il a été jusqu'au bout une voix importante et il a été aussi une voix très critique envers Donald Trump.

Il a continué à se battre contre le racisme jusqu'à ses derniers jours, malgré le cancer ?

C'est le combat de sa vie et il est mort avec un combat qui n'était pas terminé. C'est ça aussi qui est beau dans cet itinéraire, c'est que le combat reste à mener et il y a aujourd'hui beaucoup, beaucoup, beaucoup, des milliers, des millions d'enfants de John Lewis aux Etats-Unis. Malgré le cancer du pancréas qui le rongeait, qui allait le tuer et il le savait, il était encore là dans la rue, il était encore debout, en train de marcher, en train de parler. C'est quelqu'un qui a comparé Donald Trump à George Wallace, qui était le terrible gouverneur de l'Alabama lorsque John Lewis était étudiant. Il a été une voix jusqu'au bout et son combat n'est pas terminé, son combat contre les violences policières et son combat pour les droits des Noirs.

francetvinfo
Le 18 juillet 2020

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