Arrivé seul de Guinée à 14 ans, Thierno décroche l'or aux Meilleurs apprentis de France

À 18 ans, le Guinéen Thierno Diallo vient de remporter l'or au concours de l'un des Meilleurs apprentis de France. Un exploit pour ce migrant, arrivé seul en Europe à 14 ans.

Thierno pose devant son chef-d’œuvre. Un panneau aux teintes grises, bardé d’interrupteurs, d’éclairages et d’un tableau électrique. Le tout orné d’une pastille bleu, blanc, rouge. Le macaron délivré par le concours de l’un des Meilleurs apprentis de France, dans la catégorie électricien, aux pépites de l’artisanat.

La dernière cérémonie, qui s’est déroulée dans le Jura du 23 au 26 juin 2022, lui a délivré l’or. Un métal que le jeune homme de 18 ans, originaire de Mamou en Guinée, est allé chercher en avion, avec son patron Sylvain Bernard, électricien, plombier, chauffagiste à Bellevigny (Vendée).

« J’ai ressenti une joie immense et un soulagement. Je ne voulais pas décevoir mes collègues qui avaient tant investi en moi », glisse Thierno Mamadou Diallo.

 

Un talent brut que ses employeurs ont poli au fil des concours. En commençant par celui des Herbiers, où il a obtenu l’or départemental en avril 2022. Avant de réitérer l’exploit à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en mai 2022, lors de l’épreuve régionale.

 

« Pas besoin de lui expliquer dix fois »

« Son câblage, on lui a fait refaire trois fois », s’amuse Sébastien Rousseau, son maître de stage aux côtés de Jean-Pierre Bétus, pas peu fier de son apprenti. « Il est volontaire et très intelligent. Pas besoin de lui expliquer dix fois. Vis-à-vis de la clientèle, il est respectueux. Preuve qu’il a été bien élevé. »

La route fut longue avant d’en arriver là. Elle est passée par les pistes du désert du Sahel, les territoires des Touaregs, les caches des terroristes, Bamako, l’Algérie et Nador au Maroc. Un aller simple pour fuir la misère.

C’est là que mon oncle m’a annoncé qu’on partait pour l’Europe. Je n’en savais rien.

Thierno, médaille d’or au concours de l’un des Meilleurs apprentis de France

Un matin d’août, au petit jour, 57 personnes ont embarqué à bord d’un bateau pneumatique à moteur. « Hommes, femmes, bébés, enfants, il y avait toutes les nationalités. » Le jeune de 14 ans perdra de vue son oncle pris dans un coup de filet de la police marocaine.

 

« On est resté 24 heures sans boire »

Au large des côtes espagnoles, l’esquif quasi sous l’eau a été secouru par la Croix rouge espagnole. « On est resté 24 heures sans boire. On priait Dieu. » Après quatre jours en rétention et un séjour au centre des mineurs de Séville, le gouvernement espagnol a payé un billet de train aux candidats à l’exil.

 

Je ne parlais pas espagnol, ni aucune langue. J’avais seulement quelques bases en français.

Thierno

C’est ainsi qu’il a débarqué à Bilbao, avant de rejoindre Hendaye à pied, puis Bayonne et sauter dans un bus à destination de Bordeaux.

 

« Avec trois gars, on a dormi à la gare. Eux avaient de la famille en Allemagne et en France. Ils se sont cotisés pour m’acheter un billet à 50 € pour Nantes. » Dans la capitale ligérienne, « j’ai pris un train pensant partir pour Paris, mais je suis arrivé à La Roche-sur-Yon. »

 

Inquiets de voir un adolescent errer sans but, les contrôleurs l’ont remis à la police. Le Conseil départemental de la Vendée a pris le relais. « J’ai été placé dans une famille d’accueil à Challans. C’est là-bas que j’ai tout appris : le français, la lecture, l’écriture. »

Après le départ en retraite d’Evelyne, « la mère de famille », Thierno a posé son baluchon au foyer des jeunes des Landes-Génusson.

 

Brevet, mention bien

Au collège Jules-Ferry de Montaigu, le jeune a survolé la quatrième et la troisième. Deux ans après s’être coltiné la langue de Molière, le collégien a décroché son Brevet, mention bien.

Je voulais faire médecine, mais le Département a dit qu’il fallait, coûte que coûte, trouver un apprentissage.

Thierno

 

Des études moins onéreuses pour la collectivité et en adéquation avec les besoins de l’économie locale. « Ils ont contacté Sylvain et Eric (Sarl Barnard Eric & Sylvain) qui m’ont reçu en électricité », en septembre 2020.

Depuis, l’apprenti, domicilié dans son propre appartement, à Bellevigny, fait la fierté de ses patrons, ses parents et son oncle.

Entre deux versements au pays pour régler la scolarité de son petit frère et sa petite sœur, Thierno prépare son Certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Sa manière d’engranger du savoir et faire honneur à son prénom.

« C’est un prénom que portait mon grand-père et que l’on donne aux personnes qui ont beaucoup de connaissances. Je veux en être digne. »

 

 

Actu.fr

Le 19 juillet 2022

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