Le CNRD et la presse guinéenne, 24 mois après : des promesses qui attendent d’être tenues ! (Par Thieno Amadou N’Bonet)

Le coup d’Etat du 5 septembre 2021 a deux ans. Vingt-quatre (24) mois pour un pouvoir militaire de transition brillant par des actes salutaires reconnus comme tel même par ceux qui ne cessent d’exiger un rapide retour à l’ordre constitutionnel. Le régime du CNRD s’est aussi montré stagnant dans certains domaines et fait pire dans d’autres. Pour ce qui est de la presse et de la liberté d’expression, le Comité national de redressement et de développement a plus parlé, plus promis que réalisé ce qu’il fallait ou ce qui a été annoncé.

 

En recevant les acteurs de la presse au palais du peuple juste quinze (15) jours après le Coup d’Etat, dans le cadre des rencontres avec les différents acteurs socio-politiques, le président de la transition a tout de suite fait un geste en autorisant pour les journalistes, la possibilité de circuler pendant les heures du couvre-feu instauré par son prédécesseur contre la propagation du Covid-19. Puis, la Haute Autorité de la Communication (HAC), dissoute au même titre que les autres institutions constitutionnelles, sera réhabilitée quelques jours après, à la demande des associations de presse.

 

En cette période d’euphorie sonnant comme une ère de renouveau, il n’y avait aucune raison pour que les hommes et femmes de médias ne pensent pas avoir trouvé un allié face à tout ce qui entravait leur travail. L’espoir était tellement grand qu’à l’occasion d’un déjeuner de pressequ’il leur a offert au Palais Mohamed V le 07 janvier 2022, les acteurs de la presse privée n’ont pas manqué de lui dire tous les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Les procès intentés contre des journalistes avec des magistrats qui laissent de côté la loi sur la liberté de la presse pour invoquer la loi sur la cybersécurité, le poids des redevances de l’ARPT sur les médias audiovisuels dans un contexte de rareté des marchés publicitaires, l’absence d’une maison de la presse propriété de la presse, la modicité de la subvention accordée aux médias privés et à la Maison de la presse, l’absence d’une véritable liberté de la presse…tout a été dit.

 

Séance tenante, le prédisent Doumbouya a promis la CONSTRUCTION d’une Maison de la presse qui serait, selon lui, un des chantiers de la transition. Un engagement ferme de la part du président, entouré de la ministre de l’Information et de la Communication et d’autres cadres du gouvernement et de la Présidence, qui tarde encore à être réalisé. Par rapport à la subvention, celle-ci connaitra une hausse et passera d’environ trois milliards à environ six (6) milliards de francs guinéens. Mais comme un feu de paille, en 2023, on est revenu aux traditionnels trois milliards.

 

Quant à la Maison de la presse, alors que dans les couloirs, il se racontait avec joie qu’un site avait été identifié à Koloma pour un projet de construction, c’est une villa qui sera mise à disposition après l’expropriation d’un ancien dignitaire qui s’y serait installé de manière illégale. La maison est restée une propriété de la direction du patrimoine bâti public de l’Etat. La presse est donc logée même si elle ne paye pas la location, mais est exposée au risque d’y être délogée à tout moment.

 

Le Colonel Mamadi Doumbouya avait demandé ouvertement aux journalistes de jouer leur partition dans la lutte qu’il promettait d’engager contre la corruption et les détournements de deniers publics. Il demandait aussi de veiller à l’image du pays. En échange, il leur garantissait la liberté. Mais aujourd’hui, le constat qui s’impose est qu’on ne l’a pas senti présent quand la presse s’est sentie dans la gueule du loup.

 

Quand ils ont refusé de permettre au groupe FIM d’ouvrir sa télé et ses relais à l’intérieur du pays, quand Mohamed Bangoura a été convoqué dans un camp militaire pour un article, quand le ministre Ousmane Gaoual Diallo, au sortir d’un Conseil des ministres que lui Mamadi Doumbouya a présidée, a ouvertement menacé de fermer certains médias indélicats. Même quand cette menace a été suivie d’effet et que durant des jours les ondes de certains médias audiovisuels étaient bouillées, des journaux électroniques inaccessibles sans raison. A chacune de ces occasions, quand la presse a crié au secours, elle s’est sentie abandonnée par un allié qui aurait pu taper du poing sur la table. C’est d’ailleurs pour cela qu’à corp défendant, elle a organisé une journée sans pressele 23 mai 2023, afin de dénoncer les affres qu’elle subit et la volonté de certains responsables zélés de la bâillonner.

 

Durant deux ans, nous n’avons pas encore un projet de loi portant modification de la loi sur la liberté de la presse déposée au CNT pour rendre celle en vigueur conforme aux nouvelles réalités, aucune fermeté de l’Etat pour l’application de la loi sur l’accès à l’information publique. La loi sur la Haute Autorité de la Communication (HAC) aussi dort toujours avec son lot d’articles ne permettant pas à cette institution d’être un véritable organe de régulation avec l’indépendance souhaitée.

 

L’autocensure, du fait de la peur perceptible dans les propos ou écrits de certains journalistes en évoquant certains sujets même quand ils ont des éléments à propos, entrave leur rôle de sentinelle. En plus des difficultés que la presse privée éprouve toujours pour avoir accès aux évènements de la Présidence, elle est en droit de déplorer le fait que le colonel Mamadi Doumbouya, en 24 mois de gestion du pays, ne s’est jamais soumis à une conférence de presse devant la presse nationale. Une seule interview pré-enregistrée face à deux journalistes choisis « par les services compétents » en deux ans, est loin de suffire.

 

Nous savons que parmi ses proches collaborateurs, il y a d’anciens journalistes qui n’ont ni le poids ni la volonté d’aider le colonel Mamadi Doumbouya à redevenir l’allié de la presse qu’il était. Mais l’espoir n’est pas perdu. Parce qu’autour de lui, il y en a quand même d’autres anciens confrères soucieux du devenir de la profession et conscients du fait que le Colonel Mamadi Doumbouya ne gagnerait pas en laissant mourir la presse comme le voudraient des prédateurs dévoués à cela.

 

Thierno Amadou Camara

DP de Guinee114.Com/Chroniqueur

 

1erVice-président du Conseil d’administration de la Maison de la Presse

 

 

Président du REMIGUI

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