Le ministère des Armées peut désormais s’opposer au recrutement d’ex-militaires par des États étrangers

Longtemps confidentielle, la question du recrutement d’anciens pilotes militaires occidentaux par la Chine, via une société établie en Afrique du Sud, fut dénoncée par le ministère britannique de la Défense [MoD] en octobre 2022.

 

L’Armée populaire de libération [APL] cherche « des pilotes occidentaux ayant une grande expérience pour l’aider à développer des tactiques et les capacités de ses forces aériennes et tous ceux qui ont accepté un tel emploi contribuent à améliorer les connaissances et les capacités militaires de la Chine », avait expliqué un de ses responsables.

 

Aussi, le MoD fit savoir qu’il prendrait des mesures pour endiguer ce phénomène qui, à l’époque, concernait une trentaine d’anciens pilotes militaires britanniques, alléchés par le montant des rémunérations proposées par Pékin [de l’ordre de 20’000 euros par mois].

 

Cela étant, d’autres pays occidentaux sont – ou ont été – la cible de telles manoeuvres.

 

Tel est ainsi le cas de l’Allemagne. En effet, en juin, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a demandé à son homologue chinois, Li Shangfu, de mettre un terme à de telles pratiques, alors qu’il venait d’être rapporté que d’anciens pilotes de la Luftwaffe avaient été recrutés par l’intermédiaire de sociétés écrans immatriculées aux Seychelles pour servir en qualité d’instructeurs au sein de l’APL.

 

La France n’échappe pas à ce phénomène.

 

Selon le quotidien Le Figaro, plusieurs anciens pilotes de l’armée de l’Air & de l’Espace et de la Marine nationale auraient « opéré en Chine ces dernières années ». Ce qu’une vidéo, diffusée via X/Twitter, avait d’ailleurs suggéré. Et cela avait motivé le député [LR] Jean-Louis Thiériot à déposer une proposition de loi afin de « lutter contre le recrutement par des entités étrangères d’anciens militaires de l’armée française ».

 

Mais il aura fallu attendre le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 pour qu’une réponse soit apportée à cette pratique.

 

Promulguée le 1er août dernier, celle-ci indique, dans son article 42, que « le militaire exerçant des fonctions présentant une sensibilité particulière […] qui souhaite exercer une activité dont il retire […] une rémunération dans le domaine de la défense ou de la sécurité au bénéfice, direct ou indirect, d’un État étranger […] est tenu d’en faire la déclaration au ministre de la Défense, en respectant un délai de préavis fixé par décret en Conseil d’État ».

 

En clair, il lui faudra désormais demander l’autorisation de son ancienne autorité de tutelle avant d’exercer de nouvelles fonctions au profit d’un pays tiers. Faute de quoi, il s’exposera alors à des sanctions financières [avec des retenues sur sa pension « ne pouvant excéder 50 % de son montant, pour la durée d’exercice de l’activité illicite, dans la limite de dix ans »], au retrait des décorations obtenues durant sa carrière militaire. Il ne s’agit que d’un « tarif » minimum puisqu’il pourra aussi être condamné à une peine de cinq ans de prison, assortie d’une amende de 75’000 euros.

 

Le décret de mise en oeuvre de cette disposition de la LPM 2024-30 a été publié au Journal officiel le 14 décembre, en vue d’une application à partir du 1er janvier 2024.

 

Ainsi, selon ce texte, les domaines d’emploi concernés par cette mesure sont l’aéronautique, le spatial, la dissuasion, la lutte sous la mer, la cyberdéfense, les télécommunications, l’informatique, le renseignement, les forces spéciales, les systèmes d’armes et le NRBC [nucléaire, radiologique, biologique, chimique].

 

 

« L’objectif de ce décret est de prévenir les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation en empêchant la transmission de savoirs stratégiques, dans les domaines d’excellence français, à des puissances étrangères. [Il] acte la possibilité pour le ministre des Armées de s’opposer à ce qu’un militaire ou un agent civil, expert dans certains domaines, exerce une activité au profit d’une puissance ou d’une entité étrangère », a rappelé le ministère des Armées, via un communiqué.

 

aumilitaire.com

Le 17 décembre 2023

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