
Alors que nos enquêtes continuent de mettre en lumière un vaste détournement de tonnes d’or et des millions de dollars au préjudice de l’État guinéen, deux hauts
responsables de la transition, tentent de discréditer les faits par des contre-vérités et d’arguments alambiqués. Il s’agit notamment d’Amara Camara, ministre Secrétaire général de la présidence
et Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement. Voici des éléments qui prouvent que leurs déclarations sont montées de toute pièce et ne résistent ni à la logique, ni aux standards du
marché international de l’or.
Depuis plusieurs mois, une équipe conjointe de journalistes d’investigation et d’acteurs de la société civile, travaille sur ce scandale d’or sans précédent. Les
transactions et disparition de tonnes d’or appartenant à l’État guinéen, dans des conditions opaques, au cœur de la transition de refondation. Dans les neuf (9) premiers épisodes de cette
investigation, des documents, témoignages et preuves matérielles palpables consultées et publiées, démontrent l’existence d’un vaste réseau de détournement de deniers publics, impliquant des
hauts cadres au sommet de l’État guinéen.
Après des mois de silence, le CNRD et le gouvernement de transition, ont décidé ce jeudi, 22 mai 2025, de faire une tentative de diversion orchestrée par les
porte-parole de la présidence et du gouvernement qui sont habilles dans ce genre d’exercice de désinformation de la population sur des faits qui ne souffrent d’aucune ambiguïté.
Dans sa déclaration, le ministre Secrétaire général de la présidence, Amara Camara, affirme :
« On sait où se trouve notre or. Une bonne partie a déjà été récupérée et ramenée en Guinée. La petite partie restante, nous savons entre quelles mains elle se
trouve et comment elle reviendra. »
Quant à Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement, il déclare :
« …L’or ne se perd pas. Ce sont les papiers qui bougent, pas l’or physique. Ceux qui ne le savent pas croient que l’or voyage de marché en marché... »
Ces propos, destinés à désorienter l’opinion publique de la réalité, posent plus de questions qu’ils n’en résolvent. Ils traduisent une méconnaissance flagrante ou
une volonté de désinformation de la population.
Décryptage des incohérences
1. “On sait où est notre or” : mais où sont les preuves et comment en est-on arrivé là ?
Aucune preuve concrète n’a été fournie pour attester du retour ou de la récupération partielle des tonnes d’or. Aucun document douanier, rapport de la BCRG, contrat
de dépôt à l’étranger ou preuve de transfert sécurisé n’a été rendu public au cours de ce point de presse. Savoir « où se trouve » l’or ne suffit pas : quelles sont les quantités, les lieux de
stockage, les intermédiaires et les garanties de retour ?
2. Pourquoi les autorités n’ont jamais accepté de judiciariser cette affaire après plusieurs jours de garde à vue du gouverneur de la BCRG et ses coaccusés ?
S’ils savent comme ils le disent, « entre quelles mains » se trouve l’or restant, pourquoi cela reste encore entre « ces mains » à l’étranger ?
3. Le “papier d’or” ne remplace pas le métal physique.
Le ministre Ousmane Gaoual prétend que l’or physique ne bouge pas, et que seul un certificat change de main. Or, toute transaction internationale en or est adossée
à du métal réel, identifié, numéroté, stocké et traçable. Il est courant que des États détiennent leur or dans des institutions tierces (Banque d’Angleterre, crédit Suisse, BRI, etc.), mais ces
accords sont encadrés, documentés, et consultables. Où sont les leurs ? Si l’or ne bouge pas, comment la Guinée raffine son or brut avant de le vendre et comment des tonnes se sont retrouvées en
dehors du territoire national ?
4. Où sont les audits ?
La BCRG ou le gouvernement ont-ils commandité un audit indépendant sur les transactions d’or de la Banque centrale ? Si oui, où est le rapport ? Si non, pourquoi un
État sérieux laisserait-il disparaître des centaines de millions de dollars sans vérification comptable ?
5. L’or est effectivement mobile… et monnayable.
Contrairement aux affirmations du ministre Gaoual, l’or peut être vendu physiquement, fondu, fractionné ou réexpédié discrètement. De nombreux scandales de ce type
ont émaillé l’histoire d’autres pays africains. Ce n’est pas parce qu’il est censé rester « en coffre » qu’il ne peut pas être détourné.
Pour briser le mensonge au profit de la vérité, chaque citoyen a le droit de poser les questions suivantes :
Combien de tonnes d’or l’État détenait-il avant le début de la transition ?
Combien de tonnes ont été déplacées ? Vers quels pays ? Par quelles voies ?
Quels documents contractuels encadrent ces transactions ?
Pourquoi la BCRG n’a-t-elle jamais communiqué officiellement sur l’affaire ?
Quelles entreprises ou individus privés ont été impliqués dans le transport, la garde ou la vente de cet or ?
Pourquoi aucune procédure judiciaire n’est enclenchée contre les détenteurs de l’or manquant ?
En clair, par cette sortie médiatique bancale, le CNRD et son gouvernement, cherchent à étouffer cette affaire d’État sous une couche d’apparence avec une
technicité fragile et taillée sur mesure.
Les déclarations d’Amara Camara et d’Ousmane Gaoual Diallo révèlent une stratégie classique de dissimulation qui consiste à noyer les faits sous un langage
chimérique dans le but de discréditer notre enquête, et parier sur la passivité de la population. Mais cette affaire ne s’éteindra pas avec des mots. Les épisodes suivants seront encore plus
édifiants.
Ce scandale d’or, révèle un crime économique de haute volée, une perte sèche estimée à plusieurs centaines de millions de dollars pour un pays où les hôpitaux, les
écoles et les infrastructures s’effondrent, et où la population baigne dans la précarité extrême.
Tant que la lumière ne sera pas faite sur la destination exacte de chaque gramme d’or déplacé, la responsabilité des plus hauts cadres de l’État reste entière. Et
leur silence, ou leurs demi-vérités, ne font que confirmer ce que les faits révèlent : le pillage de la richesse nationale continue en toute impunité.
Equipe d’investigation :
Mamoudou Babila KEITA
Abdoul Latif Diallo
Sékou Koundouno
Écrire commentaire