Mamadou Diallo et son professeur principal, Mickaël Le Coz
Mamadou Diallo et son professeur principal, Mickaël Le Coz

Son bac en poche avec une jolie mention, Mamadou Diallo, 17 ans, s'apprête à intégrer une prestigieuse classe préparatoire. Il y a quatre ans, il quittait sa famille en Guinée.

Il y a des histoires qui marquent. Des élèves aussi. Mamadou Diallo, en Terminale scientifique au lycée Ambroise-Paré à Laval (Mayenne), combine les deux. « C’est un phénomène », s’amuse à décrire Michel Peneau, le proviseur.

Pour sa dernière journée au lycée, le jeune homme de 17 ans a organisé une petite fête pour remercier ceux qu’ils l’ont aidé durant ses deux années à Laval. Lunettes noires et rouges assorties à ses chaussures, chemise bleue et jean noir, Mamadou Diallo parle d’un ton timide :

« Merci beaucoup pour votre soutien. Sans cela, je n’aurais pas pu en arriver là. »

Il vient d’obtenir son baccalauréat mention très bien. En septembre, il rejoindra la prestigieuse classe préparatoire Louis-le-Grand à Paris, centre de formation pour Polytechnique ou les Écoles normales supérieures.

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« J’étais perdu dans Paris et aussi dans ma vie »

En août 2018, lors de son premier jour en France, jamais il n’aurait envisagé un tel avenir, confie-t-il.

J’étais perdu dans Paris mais aussi dans ma vie. Je voulais juste un lieu calme où me poser.

Mamadou Diallo a 14 ans lorsqu’il part du domicile familial, dans un petit village de sa Guinée natale. « Nos relations n’étaient pas bonnes », se souvient-il.

Mes parents ne voulaient pas que je continue mes études. Pour eux, la religion musulmane est plus importante.

Il décide alors de partir pour Conakry, la capitale. Sans logement, Mamadou s’endort plusieurs nuits dans la rue et travaille pour survivre : vendeur d’eau, petits travaux dans des restaurants…

Quatorze heures de traversée, l’enfer

Il suffit ensuite d’une rencontre pour qu’il se lance à la conquête de son Eldorado : l’Europe. Après des passages au Mali puis en Algérie, Mamadou arrive à Tanger, au Maroc.

« J’y suis resté longtemps. Pour rejoindre l’Europe, j’ai pris un bateau de là-bas », poursuit le jeune homme. Une barque plutôt. Entassés à plusieurs dizaines.

« Pendant quatorze heures de traversée, c’était l’enfer. Des fois, des souvenirs reviennent. Je me demande comment j’ai survécu. »

Secouru en mer par l’ONG italienne Salvamentoil erre en Espagne durant un mois.

J’étais à la rue, je ne comprenais rien. Je passais mes journées assis à ne rien faire.

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Emmené à Laval

Mamadou reprend alors son périple. Il rejoint la France en passant par Hendaye, ville située à la frontière. À Paris après une année de voyages incessants, il se retrouve « sans argent et sans solution ».

Il passe deux jours à la gare et rencontre un homme qui l’emmène à Laval, « car il connaissait une communauté guinéenne ». Confirmé mineur par l’Aide sociale à l’enfance (Ase), Mamadou Diallo est transféré au Mans.

« Je repasse devant une dame, sûrement une éducatrice, se remémore-t-il. Elle me dit que ce n’est pas un entretien, qu’elle veut apprendre à me connaître. Je dormais à l’hôtel en attendant. »

Quelques jours plus tard, j’ai reçu une convocation dans le bureau du responsable. Il me demande de lui rendre les clefs et me dit que je ne suis pas considéré comme mineur. C’est le gérant qui me laisse entrer pour que j’aille récupérer mes affaires. 

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« Un garçon exceptionnel »

Revenu à Laval, il est empêtré dans des affaires administratives entre l’Ase et la juge pour enfant. Il loge chez des Hébergeurs solidaires. Parmi eux, Jeanne-Marie Come. 

« C’est un garçon exceptionnel. Parfois un peu rêveur mais vif d’esprit », se rappelle celle qui l’a hébergé presque un mois.

Il dévorait les livres. Il a souvent discuté philosophie avec mon mari qui est professeur. Il lui donnait un livre, le lendemain, Mamadou l’avait lu.

Mamadou Diallo et son professeur principal, Mickaël Le Coz
Mamadou Diallo et son professeur principal, Mickaël Le Coz

Pourtant, lors de son rendez-vous à la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS), il demande un stage de professeur de mathématique. « Je ne connaissais pas les métiers. Je n’en avais aucune idée », explique Mamadou.

Mais j’aimais les maths. En Guinée, ça me faisait oublier les souffrances du quotidien.

Il obtient une immersion de deux semaines en seconde au lycée Ambroise-Paré. Tout se passe bien. L’adolescent intègre l’établissement et son internat en mars 2019.

Rapidement, Mamadou se démarque. À son premier contrôle de maths, son professeur lui met 20/20 et confie à Michel Peneau à quel point « cet élève a quelque chose de différent ».

Un élève « passionné », qui ne se trompe jamais

Ses professeurs lui proposent alors de réaliser le programme de Première en accéléré pour intégrer une Terminale scientifique à la rentrée suivante. « J’ai travaillé à partir de mai jusqu’en septembre. Maths, physique et SVT », confie le jeune homme.

Je craignais de ne pas réussir.

Il remporte pourtant ce défi, une fois de plus. Sa dernière année de lycée est même excellente : 19,4 de moyenne en mathématique, 17 en général. « Je n’ai jamais eu un élève aussi exceptionnel. Il est passionné. Pour lui, faire des maths est un loisir », sourit sa professeure de mathématiques.

C’est une machine pour le calcul mental et ne se trompe jamais. Sa moins bonne note a été un 18/20. Il cherchait où les points avaient été enlevés.

Il a même créé un club de mathématique. « Au début, c’était pour s’amuser à en faire. Les professeurs m’ont fait comprendre que ça n’aurait pas un franc succès », explique Mamadou.

Puis c’est devenu du tutorat. J’aime enseigner. Ça m’a aidé à retrouver la motivation pendant le confinement. 

« Vous apportez beaucoup », lui exprime pour sa part Michel Peneau, le proviseur, lors de la fête.

Départ pour Paris en septembre

Maintenant, place aux études supérieures. Même si, encore une fois, Mamadou s’est montré très prudent. Le jeune homme n’a en effet candidaté dans les classes préparatoires que trois jours avant la fermeture de Parcoursup.

Je pensais que ma situation ne me permettrait pas d’être accepté, encore moins à l’internat.

Il va obtenir un titre de séjour grâce au gros travail de recherche de ses papiers guinéens par Frédéric Mellier, directeur adjoint à Laval Economie. C’est ainsi un contrat de jeune majeur, qui lui offre de l’aide matérielle, financière et un accompagnement jusqu’à ses 21 ans, qui l’attend.

Le départ pour Paris est prévu en septembre. Ce petit génie a déjà commencé le programme « pour se mettre au niveau ». Mamadou Diallo s’intéresse tout particulièrement aux œuvres d’Albert Einstein et Stephen Hawking.

Je veux devenir astrophysicien. 

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a tout pour aller très haut.

actu.fr
Le 8 juillet 2020

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