Bruxelles (AFP) - Les dirigeants mondiaux s'efforçaient jeudi de surmonter leurs divisions pour apporter des réponses concertées à la pandémie de Covid-19, qui a fait officiellement plus de 90.000 morts dans le monde et menace la planète d'un désastre économique sans précédent.

La patronne du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a prévenu : cette pandémie aura "les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression" de 1929.

Alors que plus de la moitié de l'humanité est placée en quarantaine, des "secteurs entiers" de l'économie sont à l'arrêt, relève l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et un demi-milliard de personnes risquent de tomber dans la pauvreté, selon l'ONG Oxfam.

- Tutorial ougandais -

"Les pauvres n'ont pas de revenus, encore moins d'économies. Mes enfants ne peuvent pas travailler, tout le monde a besoin d'aide", témoigne Maria de Fatima Santos, une habitante de la Cité de Dieu, une favela emblématique de Rio de Janeiro, au Brésil.

Dans la très prospère Californie, sur la côte ouest des Etats-Unis, le coronavirus décime l'emploi : tournages à l'arrêt à Hollywood, stades désertés, bars fermés... "personne n'a de travail (...) c'est la panique", se lamente Zach Machtem, ingénieur du son de 32 ans, résumant l'anxiété des quelque 17 millions d'Américains qui ont perdu leur travail à cause de la pandémie.

La Banque centrale américaine a frappé un grand coup jeudi en annonçant 2.300 milliards de dollars de nouveaux prêts pour soutenir l'économie.

Une première en plus d'un quart de siècle, l'Afrique subsaharienne, particulièrement exposée, devrait entrer en récession en 2020, a prévenu la Banque mondiale.

Sur le continent noir justement, à peine sorti d'une première période de quarantaine anti-coronavirus, le président du Botswana Mokgweetsi Masisi va être contraint d'y retourner pour deux semaines supplémentaires, cette fois en compagnie de tous les 63 députés du pays, après avoir cotoyé une infirmière contaminée par la maladie Covid-19 venue... les soumettre à un test de dépistage.

De son côté, le président ougandais, Yoweri Museveni, 75 ans, a publié jeudi une vidéo dans laquelle il montre comment se maintenir en forme chez soi, après avoir interdit à ses concitoyens, confinés, de s'exercer à l'extérieur.

"Alors vous commencez par vous échauffer", y explique doctement l'ancien guerillero, 75 ans, pieds nus et vêtu d'un survêtement gris, en se mettant à courir tranquillement d'un bout à l'autre de son bureau.

- "Aplatir" la courbe -

Malgré le confinement, le coronavirus poursuit son implacable avancée. Jeudi en fin d'après-midi, le bilan de la pandémie s'établissait à 90.938 décès recensés, franchissant un nouveau plafond symbolique, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles.

Avec 18.279 morts, l'Italie est toujours le pays au monde comptant le plus de victimes, suivi de l'Espagne (15.238), des États-Unis (15.000) et de la France, qui a passé le cap des 12.000 morts.

Les Etats-Unis sont le pays le plus touché en nombre de cas (432.132). Le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a annoncé un nouveau record du nombre de décès dans son Etat -799 en 24 heures-, mais le nombre d'hospitalisations n'a jamais été aussi bas, ce qui fait dire à ce même gouverneur que "nous sommes en train d'aplatir la courbe".

Les soignants de tous les pays continuent de payer un lourd tribut à la pandémie : une centaine de médecins sont décédés en Italie. Mais ils poursuivent leur lourde tâche avec souvent un incroyable dévouement : "je n'ai pas peur d'être infectée, j'ai juste peur de ne pas pouvoir faire tout ce que j'ai à faire", confie une religieuse et médecin qui bataille contre la pandémie en Lombardie.

En Grande-Bretagne, 881 décès supplémentaires ont été recensé en 24 heures, alors que le confinement devrait être prolongé. La santé du Premier ministre Boris Johnson, en soins intensifs depuis dimanche après avoir été contaminé au Covid-19, "continue de s'améliorer" selon Downing Street.

L'OMS a mis en garde contre toute tentation d'assouplir précocement le confinement alors que l'Espagne, l'Italie et la France relèvent une tendance à la baisse de la tension hospitalière. Des pays comme l'Autriche, le Danemark, la Norvège, la Grèce et la République tchèque ont annoncé la levée prochaine de certaines restrictions.

- Smartphones turcs -

Les autorités turques ont annoncé de leur côté qu'elles vont surveiller dès cette semaine les mouvements des personnes contaminées et de leurs proches grâce à une application pour smartphone, ceci afin de freiner l'épidémie qui s'accélère en Turquie.

Cette annonce intervient au moment où plusieurs pays européens réfléchissent à la manière d'utiliser les smartphones pour lutter contre la maladie Covid-19 sans porter atteinte à la vie privée.

Sur la scène diplomatique, le Conseil de sécurité de l'ONU va tenter jeudi de surmonter ses divisions, notamment sino-américaines, lors d'une réunion en visioconférence consacrée au Covid-19.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres essaiera d'unifier une instance profondément divisée. Ce n'est "pas le moment" des critiques, a-t-il plaidé, mais celui de la "solidarité", alors que le président américain Donald Trump a vivement mis en cause l'OMS pour sa gestion de la crise et un supposé prisme pro-chinois.

L'administration américaine a renouvelé jeudi ses accusations contre l'agence onusienne, lui reprochant d'avoir "privilégié la politique à la santé publique". Pour Washington, le manque de transparence de la Chine a également fait perdre "un temps précieux au monde".

Les pays de l'UE doivent pour leur part tenter une nouvelle fois jeudi de s'entendre sur une réponse économique concertée, après l'échec mercredi d'une première réunion marathon.

Mais de profondes divisions continuent d'opposer les pays du Sud du continent à l'Allemagne et aux Pays-Bas, hostiles à toute mutualisation des dettes publiques.

- La foi bulgare "protège" -

Des centaines de millions de chrétiens confinés s'apprêtent de leur côté à célébrer Pâques dans des conditions inédites. Même peine pour les juifs avec Pessah.

C'est ainsi sans la présence de fidèles que le pape François célèbrera la messe de la Cène -sans le traditionnel lavage des pieds-, temps fort de l'année liturgique.

Les autorités de plusieurs pays sont sur le qui-vive pour cette fête qui donne traditionnellement lieu à des réunions de famille. Comme en Irlande, où des barrages routiers ont été mis en place pour éviter toute violation du confinement. Ou en Espagne : les fidèles se contentent des retransmissions des années précédentes des très populaires processions de la Passion du Christ.

En Bulgarie en revanche, les églises orthodoxes resteront ouvertes, car parait-il "la foi protège" et "l'infection ne peut pas se transmettre dans une église", selon le porte-parole du Synode bulgare, le métropolite Gavraïl.

Peut-être un effet collatéral du Covid-19, les viandes de chats et de chiens ont été exclues pour la première fois par Pékin d'une liste officielle des animaux comestibles consommés sur le territoire chinois. Cette décision intervient après l'interdiction en février du commerce et de la consommation d'animaux sauvages, alors qu'on suspecte une possible propagation du coronavirus après la consommation humaine de pangolin ou de chauve-souris.

 

Clément ZAMPA à Bruxelles, avec Hervé BAR à Paris et les bureaux de l'AFP dans le monde
Le 9 avril 2020

Commentaires: 0