Washington (AFP) - L'administration Trump a défendu mardi la séparation des enfants de migrants clandestins de leurs parents, malgré les appels de l'ONU à cesser immédiatement cette "violation grave" des droits de l'enfant.

Le président américain Donald Trump, qui a ordonné il y a un mois la mise en oeuvre de cette pratique pour décourager l'immigration illégale, a rendu l'opposition démocrate responsable de cette situation, alors que les critiques se multiplient aux Etats-Unis et à l'étranger.

"La séparation des familles à la Frontière est la faute des mauvaises lois passées par les Démocrates. Les lois sur la Sécurité à la Frontière devraient être changées mais les Démocrates n'y arrivent pas!", a-t-il tweeté mardi.

La loi était en effet déjà en vigueur sous l'administration de son prédécesseur Barack Obama, mais rarement appliquée.

Son ministre de la Justice, Jeff Sessions, a réaffirmé mardi que le fait de séparer les enfants de leurs parents était légal et nécessaire.

"Si les gens ne veulent pas être séparés de leurs enfants, alors ils ne devraient pas les amener avec eux", a-t-il lancé sur une émission de radio conservatrice, le "Hugh Hewitt Show".

- "Violation grave" -

A Genève, les Nations unies ont exhorté Washington à cesser immédiatement de séparer les enfants de leurs parents arrêtés après avoir passé clandestinement la frontière avec le Mexique.

"Nous sommes profondément préoccupés par le fait que la politique de tolérance zéro récemment mise en place le long de la frontière sud des Etats-Unis ait fait en sorte que des personnes prises en flagrant délit d'entrée irrégulière dans le pays fassent l'objet de poursuites pénales et que leurs enfants --y compris des enfants extrêmement jeunes-- leur soient retirés", a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Ravina Shamdasani, lors d'un point de presse.

"Les Etats-Unis devraient immédiatement mettre fin à cette pratique de séparer des familles et cesser de criminaliser ce qui devrait tout au plus être une infraction administrative, celle de l'entrée ou du séjour irrégulier aux Etats-Unis", a-t-elle ajouté, expliquant que séparer des familles et détenir des enfants étaient une "violation grave des droits de l'enfant".

Elle a en outre rappelé que les Etats-Unis restaient le seul pays au monde à ne pas avoir ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.

L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley, a répliqué en accusant le Haut-Commissariat d'"hypocrisie" car "il critique les Etats-Unis alors qu'il ferme les yeux sur le passif répréhensible en termes de droits de l'Homme de plusieurs membres de son propre conseil des droits de l'Homme".

"Nous sommes aussi un pays souverain, avec des lois qui décident de la meilleure manière de contrôler nos frontières et protéger notre peuple", a-t-elle ajouté.

- "Humanité zéro" -

Plusieurs centaines d'enfants ont été séparés de leurs parents à la frontière depuis octobre, y compris un enfant d'un an, selon l'ONU, qui cite des informations de groupes de la société civile américaine.

Le nombre de traversées illégales a augmenté depuis quelques mois à la frontière mexicaine. Jeff Sessions avait annoncé le 7 mai une nouvelle "tolérance zéro" pour les clandestins arrêtés, qui seront systématiquement inculpés pour entrée illégale avant même de pouvoir déposer une demande d'asile.

La mesure vise notamment les ressortissants des pays d'Amérique centrale qui déposent des demandes d'asile en raison d'une "peur crédible" pour leur vie. La plupart des candidats viennent du Guatemala, du Salvador et du Honduras, trois pays gangrénés par la violence des groupes criminels.

"On ne peut donner l'immunité à des gens qui amènent avec eux des enfants, de manière imprudente et illégale", a dit Jeff Sessions. "Beaucoup d'entre eux n'ont pas du tout de raisons légitimes (de venir)", a-t-il ajouté.

Pour des élus et des organisations de la société civile, cette politique est allée trop loin.

Le sénateur démocrate Jeff Merkley, qui s'est rendu dans des centres de détention pour migrants la semaine dernière, a ainsi affirmé que cette pratique provoquait des "traumatismes" chez les enfants.

Ces derniers, a-t-il raconté, sont gardés dans des unités clôturées ouvertes ressemblant aux "cages d'un chenil", et on ne leur a donné "que des couvertures de survie".

"Il n'est pas nécessaire de les séparer de leurs parents pendant qu'ils attendent l'asile", a-t-il dit aux journalistes. "Ce n'est pas une politique de tolérance zéro. C'est une politique d'humanité zéro".

Paul HANDLEY avec Nina LARSON à Genève - AFP
Le 5 juin 2018

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