L’accord entre gouvernement et enseignants qui laissait espérer une baisse des tensions n’a pas empêché de nouveaux affrontements à Conakry.

Deux jeunes hommes ont été tués à Conakry, en Guinée, lors d’une nouvelle manifestation de l’opposition mercredi 14 mars, le jour même où s’est achevée une grève des enseignants qui durait depuis plus d’un mois, après un accord avec le gouvernement.

Des partisans de l’opposition, qui conteste les résultats des élections locales du 4 février, officiellement remportées par le parti du président Alpha Condé, manifestaient mercredi dans la capitale et en province, notamment dans le centre et l’ouest du pays, selon des témoins joints par l’AFP.

Un jeune homme, identifié comme Boubacar Diallo, 25 ans, a été tué à la mi-journée dans la banlieue de Conakry, a affirmé le directeur de la polyclinique de Dixinn, le docteur Abdoulaye Barry. « J’ai reçu le corps d’un jeune blessé par balles » dans le quartier de Wanidara, selon sa famille, a précisé le médecin. « Il est arrivé ici déjà mort, il est décédé en cours de route. »

« C’est vraiment triste pour ce pays, c’est vraiment triste pour nous et sa famille », a déclaré à l’AFP le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, qui participait à la manifestation, estimant à 91 le nombre d’opposants tués depuis l’accession au pouvoir de M. Condé, en 2010.

« Jusqu’à présent, aucune des investigations menées dans le cadre des violences commises au cours de manifestations n’a conduit à un procès », avaient déploré en mars 2017 plusieurs organisations, dont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Le chef du groupe parlementaire du parti au pouvoir, Amadou Damaro Camara, a accusé mardi l’opposition de tenter de « déstabiliser le régime d’Alpha Condé ».

Augmentation des salaires en deux temps

Malgré ces tensions politiques persistantes, le front social a connu une accalmie avec la conclusion dans la nuit de mardi à mercredi d’un accord mettant fin à la grève des enseignants, qui avait donné lieu à des manifestations. « La grève est suspendue », a déclaré le leader du mouvement, Aboubacar Soumah, secrétaire général du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG), se félicitant d’avoir eu gain de cause sur « quatre revendications » essentielles.

Selon le texte de l’accord lu par l’inspecteur général du travail, Alya Camara, les enseignants obtiennent l’application d’une augmentation des salaires de 40 % décidée en 2017. La hausse sera effective en deux temps : 10 % en février et les 30 % restants fin mars, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018. En outre, les parties ont décidé d’ouvrir des négociations du 2 au 25 mai « sur un salaire de base de tous les enseignants de 8 millions de francs guinéens » (plus de 710 euros).

Par ailleurs, « nul ne sera sanctionné pour fait de grève ». M. Soumah, entré en dissidence du SLECG depuis des mois, a personnellement obtenu la « levée de la suspension » de son salaire et le paiement de ses arriérés.

« Chacun d’entre nous a mis l’intérêt de la Guinée au-dessus de tout, à travers les enfants qui devront retourner à l’école. Ça a été dur, très dur, mais finalement nous y sommes arrivés », s’est réjoui le médiateur de la République, l’ancien premier ministre Mohamed Saïd Fofana.

« On vient de très loin. Tout le monde est content, a déclaré à l’AFP le conseiller personnel d’Alpha Condé, Tibou Kamara. Le mérite revient au président de la République qui a accepté cette revendication, qui est majeure, de satisfaire les enseignants pour préserver la paix sociale pour ménager l’avenir des enfants. » L’autorité du chef de l’Etat était de plus en plus contestée par les élèves, leurs parents et des associations de la société civile, qui lui reprochaient d’avoir laissé s’enliser le conflit dans l’enseignement.

 

lemonde.fr

Le 15 mars 2018