Afrique - Démographie : atout ou bombe à retardement ?

DATA. L'Afrique va devoir compter avec son explosion démographique. Au-delà des mots, les chiffres en disent long sur le défi à relever. 

La réponse d'Emmanuel Macron lors du sommet du G20 qui s'est tenu à Hambourg en juillet a provoqué une onde de choc. Questionné par un journaliste ivoirien, le président français explique que le taux de fécondité élevé sur le continent constitue un obstacle au développement durable dans ces pays. « Quels sont les problèmes ? Les États faillis ou les transitions démocratiques complexes, la transition démographique, qui est l'un des défis essentiels de l'Afrique », a-t-il déclaré avant d'ajouter : « Dans un pays qui compte encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien. »

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Du coup, les débats se sont enflammés sur les réseaux sociaux et ont relancé une question posée depuis des années : l'évolution démographique du continent africain est-elle une chance ou une bombe à retardement quant aux perspectives de développement du continent ? Des spécialistes, comme Serge Michaïlof ou Michel Garenne, n'hésitent pas à parler de « bombe démographique ». Celle-ci serait à même de réduire à néant les espoirs d'amélioration des niveaux de vie promis par la croissance économique. Sans compter les problèmes écologiques que pose le poids croissant de la population mondiale. De leur côté, les optimistes estiment que les pays africains vont bénéficier d'un « dividende démographique ». En d'autres termes, d'une brusque accélération de la croissance économique, un événement qui se produit lorsque le nombre d'actifs est supérieur à celui des enfants et des personnes âgées.

L'Afrique : une population à majorité jeune

Une chose est sûre : alors qu'une partie importante du monde doit faire face à une population vieillissante, le continent africain, lui, apparaît comme un espace où la place la plus importante est occupée par les jeunes. Selon les dernières projections des Nations unies, l'Afrique devrait doubler sa population, passant d'un milliard d'habitants actuellement à près de 2,4 milliards en 2050, dont la moitié aura moins de 25 ans.

La moitié des moins de 25 ans dans le monde seront africains en 2100
En tête sur le continent, comme aujourd'hui : le Nigeria, qui aura, selon les dernières estimations de l'ONU, le plus grand nombre de moins de 25 ans dans le monde. Il devrait ainsi croître pour atteindre 114 millions d'habitants à l'horizon 2050 et 303 millions d'ici 2100. D'après les mêmes projections des Nations unies, la République démocratique du Congo, le Zimbabwe et la Tanzanie seront également dans la liste des pays comptant la population la plus jeune. En bas du classement : le Gabon, le Swaziland ou encore le Botswana et Djibouti. Un chiffre néanmoins à relativiser, car ces derniers pays restent dans la moyenne haute de la fourchette mondiale.

Un taux de mortalité en baisse

 

Autre facteur qui explique l'explosion démographique : la forte baisse du taux de mortalité en Afrique. Ce dernier est passé en moyenne de 26 % en 1950 à moins de 10 % aujourd'hui. Ajouté à cela, une espérance de vie qui a gagné plus de 20 ans, passant de 37 ans à 57 ans dans la même période, alors qu'a contrario, la fécondité ne ralentit que faiblement. « Depuis 1950, la mortalité juvénile a été divisée par trois au sud du Sahara, passant de 30 % à 10 %, mais cela n'a pas encore eu d'effet sur la fécondité », soulignait Henri Leridon, directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques, dans Le Monde diplomatique, en 2015.

L'espérance de vie d'un Africain va gagner 40 ans entre 1950 et 2050

Fécondité : la question qui polarise les débats

« Les souhaits des femmes de limiter et d'espacer les naissances ont une influence importante sur la fécondité effective », avait déclaré Kazuyo Machiyama lors du colloque international organisé par l'Institut d'études démographiques (Ined) et l'Agence française de développement (AFD) à Paris en mai. « Les sociétés africaines continuent de valoriser les familles nombreuses et les femmes ayant beaucoup d'enfants. La persistance de ces normes natalistes s'est traduite par une résistance à une utilisation de la contraception », expliquait au Point Afrique Jean-Pierre Guengant, démographe et directeur de recherche émérite à l'Université Paris 1-IRD. Ainsi, un couple n'imagine pas avoir moins de 6 enfants dans les 18 pays africains étudiés en 2010 par l'United States Agency for International Development. En tête du classement : le Tchad avec un idéal de 13 enfants par famille.

Un couple voudrait avoir au moins

6 enfants en Afrique

TchadNigerGuinéeMauritanieNigeriaMaliRD-CongoCôte d'ivoireBurkina FasoBéninGabonÉthiopieSierra LeoneLiberiaTogo012345678910111213
Source : rapport 

United States Agency for International Development, 2010 - Voir l'intégralité ici

 

Par Aurélie Bazzara
lepoint.fr

 

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