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Bilan lapidaire

Quand l’institution financière revient officiellement en Guinée en janvier 2011, l’économie nationale est exsangue. «Compte tenu du défi de dépenser de manière efficiente ces recettes exceptionnelles, les autorités ont requis l’aide du FMI et de la Banque mondiale pour créer un fonds spécial», explique le FMI à Libération. Cette intervention aboutit à la création d’un fonds spécial d’investissement (FSI), mentionné le 23 décembre 2013 au Journal officiel. Mais étonnamment, aucune instance, internationale ou guinéenne, n’est en mesure de produire un document sur ce fonds et sur la gestion des 700 millions de dollars. Le FMI, lui, fournit un bilan lapidaire, reprenant pour l’essentiel un paragraphe de son «Programme de référence Guinée» de juillet 2011 : «185,5 millions de dollars ont été affectés au budget 2011» et 214 millions en 2012, pour des «investissements publics urgents surtout dans le secteur de l’électricité», tandis que 50 millions de dollars ont été versés à la Banque centrale. «Les 250 millions de dollars restants ont servi à financer le programme d’investissement public 2013-2015», écrit le FMI à Libération. Or la consultation des lois de finances 2011-2015 ne permet pas d’identifier de tels mouvements. Seul apparaît en 2012 un financement non bancaire de 348 millions de dollars pour combler le déficit budgétaire. Quant au FSI, l’affectation de ses fonds au budget de l’Etat est bien mentionnée dans les lois de finances 2013 et 2014, pour un montant total, ces deux années, de 254 millions de dollars. 232 millions issus de cette enveloppe ont été réellement dépensés, selon un document récapitulatif. Les plus gros postes d’investissement sont les infrastructures et l’énergie (construction et réhabilitation de routes, de ponts, construction de quatre microbarrages, travaux d’électrification) - des projets livrés ou en chantier, et parfois introuvables sur le terrain.

Flou sur le pactole

Le total des dépenses attribuées au «fonds Rio Tinto» dans les lois de finances atteint en réalité, au maximum, 580 millions de dollars. Restent environ 120 millions dont la trace s’est volatilisée. Ni le ministère guinéen de l’Economie et des Finances, ni la Banque mondiale, sollicités par Libération, n’ont répondu à nos questions sur la destination de ces recettes minières exceptionnelles. Recontacté, le FMI renvoie la balle à la Guinée. Il précise qu’il a, avec la Banque mondiale, aidé «à établir les procédures comptables régissant le FSI», mais pas «à gérer le fonds». Un peu court pour une institution supposée incarner la rigueur et qui, dans son «Programme de référence Guinée» de 2011, note qu’elle sera amenée «à donner des avis sur l’utilisation du FSI».

Ce flou sur le pactole de Simandou a aussi régné à l’Assemblée nationale. «Nous avons réclamé avec beaucoup de véhémence une commission d’enquête parlementaire, notamment sur l’utilisation des fonds de Rio Tinto, mais notre demande, prévue par la loi organique, n’a pas abouti, déplore l’ex-membre de la commission des lois Ousmane Gaoual Diallo. Par ailleurs, la loi de finances exige la production d’une loi de règlement qui détaille l’utilisation du budget annuel. Or elle n’a jamais été produite sous la gouvernance d’Alpha Condé.»

Article réalisé avec le soutien du projet Money Trail de l’ONG Journalismfund.eu.

Agnès Faivre , Akoumba Diallo à Conakry

Le 1er août 2020