À un mois de l’élection présidentielle en Guinée, le Front national de défense de la Constitution (FNDC) annonce la reprise des manifestations contre la candidature d’Alpha Condé, et ce malgré l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Lundi 14 septembre, Cellou Dalein Diallo, président de l'UFDG a annoncé sa candidature, créant ainsi une scission au sein de la coalition d’opposition.

“Nous avons mis fin à la trêve, nous avons appelé tous les militants, sympathisants du pays afin qu’ils se mobilisent massivement dans les rues de Conakry, à partir du 29 septembre 2020 pour exiger le départ de M. Alpha Condé pour haute trahison”. Les mots sont de Sekou Koundouno, responsable de la stratégie du collectif FNDC, qui mobilise des milliers de Guinéens, depuis octobre 2019, contre un éventuel troisième mandat de M. Condé, 82 ans, élu en 2010 puis réélu en 2015. La contestation a donné lieu à des heurts et a été plusieurs fois sévèrement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.

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Une reprise des manifestations malgré l'interdiction

Quelques heures avant l'annonce des nouvelles marches du FNDC, le président a prolongé d'un mois l'état d'urgence sanitaire en raison du Covid-19 pour lequel la Guinée a déclaré officiellement 10.111 cas de contamination et 63 décès.

 

L'état d'urgence a été ordonné le 26 mars et reconduit depuis. Il s'est traduit par des dispositions comme la fermeture des frontières et des écoles, qui ont depuis été levées ou allégées, mais aussi par des restrictions à la vie publique et aux rassemblements.

 

Il permet donc au chef de l'Etat guinéen de maintenir des mesures exceptionnelles dont l'interdiction des rassemblements, limités à 100 personnes. Les manifestations annoncées mercredi 16 septembre risquent donc d'être déclarées illégales, ce qui n’empêche pas la mobilisation du FNDC.

 

“Nous n’avons besoin de la permission ou de l’autorisation d’aucune autorité. M. Alpha Condé et son clan mafieux ont mobilisé des foules à longueur de journée, à Conakry et en province, pour ses meetings”, affirme Sekou Koundouno. “Malgré la pandémie de Covid-19,  ils sont en train de mobiliser des milliers de Guinéens. Nous allons battre le pavé et nous n’avons besoin de la permission de quiconque dans ce pays”.

Les défenseurs des droits humains et l'opposition ont accusé les autorités de se servir de la pandémie du coronavirus comme prétexte pour réprimer la contestation dans une année électorale chargée, culminant avec cette présidentielle.

Le principal parti d'opposition, l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a également organisé sans encombre le 7 septembre la convention d'investiture de son candidat, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo. La candidature de M. Diallo a provoqué des fissures dans les rangs du FNDC, qui se sont traduites par la mise à l'écart de M. Diallo.

 

La candidature qui fâche

 

Questionné sur cette exclusion, Sekou Koundouno, refuse de commenter mais tient à rappeler les règles de fonctionnement du collectif : “Le FNDC a décidé de mettre de côté tous ceux qui prennent part à cette mascarade qu’est ce coup d’état constitutionnel. [...] Il y a des principes au FNDC. On ne peut pas vouloir la démocratie et ne pas respecter nous-mêmes nos engagements. La règle s’applique à quiconque faillit au principe général”.

 

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Exclusion ou retrait, c'est en tout cas un évènement susceptible de changer la donne avant une élection jugée à risques, tant la contestation a été vive depuis un an. Il survient à l'approche de l'ultime ligne droite, le jour même où la Cour constitutionnelle a validé 12 des 13 candidatures déposées, dont celle de M. Condé et de M. Diallo, qui passe pour son principal challenger.

Pour Sekou Koundouno, la lutte du FNDC porte uniquement sur la candidature du président sortant, Alpha Condé. “Ce qui est certain c’est que nous userons de tous les moyens pour se débarrasser de M. Alpha Condé avant le 18 octobre. À défaut, le combat continuera tant qu’il ne rendra pas le pouvoir au peuple guinéen”, détaille-t-il.

Porté par une crainte de voir un régime non démocratique s’installer en Guinée, empêchant le pays selon lui de “trouver une vraie stabilité politique”, Sekou Koundouno est prêt à tout : “On ne peut pas permettre de voir une monarchie s’installer en Guinée. On ne veut pas se laisser entraîner dans un régime de pouvoir à vie par une bande de gangsters”.

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En déclarant se lancer dans la course présidentielle, l'ancien Premier ministre (2004-2006), dimanche 13 septembre, Cellou Dalein Diallo a mis à mal la cohésion de la contestation. Comme le FNDC, M. Diallo avait boycotté en mars les législatives et le référendum constitutionnel qui a préparé le terrain à la candidature de M. Condé. Il y a perdu son siège de député et le statut de chef de l'opposition parlementaire.

 

Mais, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle de 2010 et battu au second par M. Condé, il s'annonce comme le futur finaliste du scrutin face au chef de l'Etat sortant. M. Diallo a dit dimanche 13 septembre avoir dû trancher un "dilemme" entre boycotter ou participer, malgré une "Constitution falsifiée (...) un fichier électoral tronqué et taillé sur mesure, une commission électorale et une Cour constitutionnelle totalement inféodées à Alpha Condé". Mais "pour accéder au pouvoir, il faut participer à des élections", a-t-il expliqué.

Pour Sekou Koundouno, le FNDC "n’a aucun problème avec la tenue du scrutin". Il estime également que la Guinée a "toutes les richesses qu’il faut pour être un pays émergent mais nous sommes entourés de dirigeants véreux, qui n’ont aucun respect pour les principes démocratiques".

 

TV5 monde

Le 18 septembre 2020

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Dans un contexte pré-électoral tendu, en Guinée et en Côte d’Ivoire, la circulation de fausses informations sur les réseaux sociaux risque d’alourdir le climat. Un document émanant – en apparence – du Département d’État américain est relayé sur WhatsApp pour mettre la pression sur les partisans du troisième mandat présidentiel. Vérification faite, il s’agit d’un faux.

Sous l’entête du Département d’État américain, et plus précisément sous le titre « Secretary Pompeo’s Remarks to the Media », le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’adresse à la fois aux présidents de la République de Guinée, Alpha Condé, et de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, pour leur demander de ne pas briguer un troisième mandat. Ce document évoque « une mise en demeure juridique », une « résolution du Conseil de sécurité de l’ONU » et annonce à la fois des sanctions économiques, une intervention militaire et des restrictions de déplacement des membres des deux gouvernements. Rien de tout cela n’est avéré. Vérification faite, sur le site internet du Département d’État américain, ce texte n’existe pas, n’a jamais existé, mais il circule sur internet.

Détournement de logo, copié-collé
Les indices sont nombreux qui permettent de repérer la falsification. Sur la forme tout d’abord, c’est un document bilingue anglais-français, comme il n’y en a pas sur le site officiel du Département d’État. La typographie ne correspond pas non plus à celle du site officiel. En français comme en anglais, les fautes d’orthographe sont nombreuses, et l’on détecte aussi facilement des tournures de phrase incorrectes que l’on ne retrouverait pas dans un authentique communiqué de l’administration. Il s’agit simplement d’un détournement de logo officiel, comme on en voit beaucoup sur internet.
Sur le fond, ce qui intrigue au premier abord – au-delà de l’énormité de l’annonce qui n’aurait pu échapper à aucun média ni à aucune agence d’information –, c’est que ce pseudo communiqué traite de deux pays différents, avec le même arsenal de sanctions, comme s’il s’agissait d’un seul pays. Surtout, il est facile de vérifier qu’à cette date, aucune résolution n’a été adoptée dans ce sens par l’ONU.
De surcroît, lorsque la Banque mondiale, le FMI, l’Union européenne ou encore la BAD « suspendent leurs décaissements », ils se chargent de l’annoncer eux-même, contrairement à ce que l’on peut lire dans ce document. Ce n’est pas le rôle du secrétaire d’État américain de communiquer à leur place. À en croire ce texte, Mike Pompeo agit comme s’il avait tout pouvoir sur ces institutions internationales. Ce qui n’est pas le cas. Lorsque l’UE adopte des sanctions, ce n’est pas au chef de la diplomatie américaine de les annoncer.

L’anonymat des réseaux
Quel impact la circulation de ce type de faux document peut-elle avoir ? En réalité il n’est pas possible de savoir combien de personnes l’on vu passer. Sa circulation sur WhatsApp interroge, mais l’on ne peut pas savoir dans quelle mesure les internautes qui partagent et relayent le document en ont eux-mêmes pris connaissance, et quel crédit ils lui accordent. Quant à l’auteur présumé du faux communiqué, on comprend bien qu’il s’agit d’une personne ou d’un groupe de personnes très en colère contre le principe d’un troisième mandat pour ces deux présidents, mais le faire savoir par le biais d’informations mensongères ne sert pas la cause des détracteurs du troisième mandat.
Par ailleurs, la désinformation sévit également dans le camp adverse, comme le prouve le travail de nos confrères d’Africa Check, qui ont repéré de leur côté une usurpation d’identité, avec les déclarations d’un soi-disant constitutionnaliste français, démontrant la légalité de la candidature d’Alassane Ouattara. Des déclarations inventées puisque leur auteur n’existe pas.

RFI
Le 18 septembe 2020

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