Le répit aura été de courte durée pour Aly Touré. Le 6 mai, le jeune homme de 20 ans affichait un large sourire aux côtés de Yannick Hourdiau, venu l’accueillir à sa sortie du centre de rétention de Lesquin. Il y aura passé 90 jours, avec des hauts, et des bas, des espoirs et des déceptions. Privé de liberté, souvent désemparé et démuni, Aly Touré s’était accroché, fort des nombreux soutiens reçus de l’extérieur. Ne pouvant rester plus de 90 jours en centre de rétention, il partait alors pour une nouvelle période de sa vie : l’assignation à résidence, avec pointage obligatoire tous les matins, à 10h, au commissariat de Valenciennes. Un vice de forme dans la procédure avait finalement permis au Guinéen de retrouver sa liberté plus vite que prévu, et notamment Mickaël, son employeur. Le contrat d’apprentissage qu’il avait symboliquement signé avant son arrestation en février allait pouvoir enfin se concrétiser sur le terrain – il est aujourd’hui caduque. Titulaire de deux CAP, et en route pour un Bac pro, Aly Touré était motivé pour apprendre les métiers du bâtiment.

“En Guinée, il n’y a rien”

C’était sans compter sur une deuxième obligation de quitter le territoire français (OQTF), tombée inopinément la semaine dernière. Le jeune migrant a été convoqué au commissariat pour venir signer les documents lui signifiant qu’un avion l’attendait mardi 8 juin, à Roissy, direction Conakry. Un aller sans retour possible pendant deux ans. Sur conseil de son avocate, qu’il doit revoir à la mi-juin, Aly a refusé de signer les documents, tout comme il a refusé de se rendre sur le tarmac. Prenant ces risques, Aly Touré sait à quoi il s’expose. Par crainte d’être repris par la police à son réveil, comme en février 2021, le jeune homme a décidé de quitter son foyer et le lycée Mansart, à Marly, où il était scolarisé depuis plusieurs années. Il ne veut pas quitter le sol français sur lequel il a posé le pied en 2016, alors qu’il était mineur. “En Guinée, il n’y a pas de travail, pas de justice, pas de sécurité, rien. Je dormais dehors. Pour manger, c’est difficile. Les bandits pensent que ceux qui reviennent d’Europe sont riches. Si je retourne là-bas, j’aurai des problèmes“, murmure Aly d’une voix timide, contraint de vivre “par ci, par là“, désormais dans la clandestinité.

“Là, on est dans une impasse”

Yannick Hourdiau, du syndicat étudiant, s’agite sur sa chaise. Se lève, se rassoit, passe la main dans ses cheveux. Il accuse le coup, lui qui, avec d’autres, met toute son énergie depuis le départ pour trouver une issue favorable au sort du Guinéen. “Là, on est dans une impasse, reconnaît-il, amer. Humainement, c’est difficile. On ne s’attendait pas à un revirement de situation aussi soudain. On va interpeller à nouveau le Préfet. La grâce de l’État est un peu le seul espoir qu’il nous reste.” La nouvelle OQTF dont Aly Touré fait l’objet doit durer un an. Ensuite, le Guinéen pourra, s’il le souhaite, effectuer une nouvelle demande de titre de séjour. Il peut aussi faire le choix de tenter sa chance dans un autre pays. Pour lui, comme de nombreux autres, le chemin vers un avenir meilleur est encore long et sinueux.

lobservateur.fr
Le 8 juin 2021

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