Abidjan (AFP) - Un chef d'Etat (Botswana) et un Premier ministre (Côte d'Ivoire) en quarantaine, de nombreux ministres infectés et même un décès d'une vice-présidente de l'Assemblée (Burkina): les politiques sont particulièrement touchés par le coronavirus en Afrique, où l'expansion de la pandémie ne fait que commencer.

"On dit que c'est la maladie des élites mondialisées. Ce sont les personnes qui voyagent ou qui sont en contact avec ces personnes qui sont les plus touchées. En tout cas, au début. Donc, en Afrique, c'est le cas des politiques", souligne le politologue ivoirien Jean Alabro.

En Côte d'Ivoire, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat du parti au pouvoir à la présidentielle d'octobre, s’est placé lui-même en confinement "après avoir été en contact avec une personne déclarée positive", a-t-il annoncé sur Twitter.

Selon une source proche du pouvoir, une dizaine de "hautes personnalités" sont en confinement.

Les autorités ont fait preuve de légèreté, estime Jean Alabro en relevant que le Conseil national de sécurité sur le coronavirus avait réuni... 43 personnes.

L'ancien président Henri Konan Bédié a même accusé le pouvoir d'avoir retardé certaines mesures pour faire voter par le Congrès une révision constitutionnelle le 16 mars, "plaçant les calculs politiciens et les intérêts égoïstes au-dessus de la santé des Ivoiriens".

- #allomaman -

Sur les réseaux sociaux, certains louent le "courage" du Premier ministre mais d'autres fustigent "l'incompétence" du gouvernement. Ils affirment qu'il a "libéré" de quarantaine des passagers en provenance de France parce qu'ils étaient membres de familles de personnalités, comme celle d'Adama Bictogo, un haut cadre du parti du président Alassane Ouattara.

Sur les réseaux sociaux, les internautes font d'ailleurs souvent référence à la Françafrique avec le jeu de mot entre "coronavirus" et "colona-virus".

Au Burkina, les politiques sont encore plus touchés et le conseil des ministres de jeudi s'est fait par visio-conférence pour éviter toute infection du chef de l'Etat Roch Marc Christian Kaboré.

Une précaution prise après la mort de la deuxième vice-présidente de l'Assemblée, Rose-Marie Compaoré, et alors que pas moins de sept ministres sont touchés, notamment celui des Affaires étrangères Alpha Barry.

Ce dernier s'était moqué le 18 mars des rumeurs sur sa contamination affirmant: "Allô Maman !!!! Les appels viennent de partout... Je n'arrive pas à tout décrocher. Mais impossible de rater l'appel de ma chère mère. Comme beaucoup d'entre vous, elle aussi a été gagnée par la rumeur. Je l'ai rassurée".

Mais deux jours plus tard, il indiquait: "La rumeur est devenue réalité... je viens d'être notifié positif".

Les internautes l'ont raillé à leur tour, créant le hashtag #allomaman.

- Classe politique "en panique" -

"allô maman, je suis obligé de me faire soigner à Ouagadougou comme le bas peuple. Je ne peux pas aller en Europe. Et si on équipait convenablement maintenant nos hôpitaux ?", a lancé l'un d'entre eux.

"Les ravages (du virus) ne connaissent pas le genre ni la classe sociale", souligne l'opposant Ablassé Ouedraogo. "Personne n'est épargné par ce virus qui infecte les chefs d'Etat, les ministres et les parlementaires (...), y compris le citoyen ordinaire (...)."

"Le bon exemple commence par le sommet et le coronavirus n'est point une maladie de la honte. Les Burkinabè devraient disposer de l'information sur la santé de leurs gouvernants", ajoute-t-il.

Au Nigeria, la classe politique à Abuja, la capitale fédérale, "est en panique depuis que le directeur de cabinet (du président) a été testé positif", selon une source proche de la présidence.

De nombreux hommes politiques nigérians de haut rang, dont plusieurs gouverneurs et le vice-président, ont déclaré s'être mis en quarantaine après avoir été en contact avec deux cas positifs, dont le bras droit du président Muhammadu Buhari, Abba Kyari.

En République démocratique du Congo, les autorités ne confirment pas que des personnalités de la vie publique figurent parmi les cas confirmés de coronavirus mais plusieurs médias ont rapporté que la ministre de l’Economie Acacia Bandubola était touchée. Son frère et directeur de cabinet adjoint, Dédié Bandubola, fait partie des premiers morts.

Le ministre des Affaires foncières Molendo Sakombi lui a rendu un hommage sur le compte Twitter du ministère: "La mort du docteur Dédié Bandubola démontre à suffisance l’ampleur du danger qui nous guette tous".

En Tanzanie, c'est l'opposition qui est touchée avec la mise en quarantaine volontaire de la famille du chef de l'opposition Freeman Mbowe, dont le fils a contracté la maladie.

Patrick FORT avec les bureaux de l'AFP

 

Le 27 mars 2020

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