Plusieurs personnes ont été tuées ces jours derniers à Nzérékoré, ville du sud de la Guinée en proie selon des habitants à des troubles intercommunautaires depuis le référendum contesté de dimanche.

Le bilan humain varie fortement selon les sources, le gouverneur parlant de trois morts, un médecin et un responsable local de l’opposition faisant état de 15 morts, sous couvert d’anonymat.

Ces chiffres ne peuvent être vérifiés immédiatement de sources indépendantes.

Nzérékoré, l’une des plus grandes villes du pays en Guinée forestière voisine du Liberia, est le théâtre d’affrontements depuis la tenue dimanche dans tout le pays d’un référendum voulu par le pouvoir pour une nouvelle Constitution.

Des habitants ont fait état de heurts entre communautés religieuses et ethniques, d’attaques et de représailles contre des églises et des mosquées.

Un couvre-feu a été instauré mardi matin, selon le gouverneur Mohamed Ismaël Traoré joint par téléphone.

Après des mois de tensions qui avaient déjà coûté la vie à au moins 32 civils et un gendarme, le président Alpha Condé et son gouvernement ont décidé de tenir le référendum dimanche et de passer outre aux protestations de l’opposition, à la réprobation internationale et aux soupçons sur la régularité des listes électorales.

Au moins 14 personnes ont été tuées dans les violences entachant le vote à travers le pays, selon l’opposition. Les autorités parlent de six morts, dont deux dues à un « accident » et un problème de santé.

 

Cadavres « méconnaissables »

Les troubles à Nzérékoré risquent d’alourdir le bilan.

 

Dès dimanche, une église protestante y a été incendiée. Un homme a par ailleurs été tué quand des inconnus ont ouvert le feu contre un bureau de vote, selon les autorités.

Des habitants et des officiels ont rapporté depuis une succession d’exactions par des bandes armées, contre les personnes, les lieux de culte, les habitations.

« Ils ont brûlé notre église et toutes les maisons des Guerzé (ethnie locale et autochtone, majoritairement chrétienne ou animiste) autour », raconte une habitante du quartier de Belle-Vue.

« On a tué trois personnes de ma famille qui sont innocentes. Vous imaginez ? S’attaquer aux églises ! ».

Les violences se sont poursuivies jusqu’à ce qu’un calme précaire revienne mardi. S’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour se préserver des représailles, un médecin a indiqué avoir dénombré à l’hôpital 15 corps, certains « méconnaissables ». Un cadre local du collectif qui mène depuis des mois la contestation contre le pouvoir a également avancé ce chiffre.

 

Bataille de chiffres

« C’est faux il n’y a pas 15 corps, il n’y en a que trois à la morgue », a dit le gouverneur.

 

La Guinée, pays pauvre malgré d’importantes ressources naturelles, est le théâtre depuis octobre d’une mobilisation, souvent marquée par des violences, contre le projet prêté au président Alpha Condé, 82 ans, de chercher à se maintenir au pouvoir.

Selon l’opposition, la nouvelle Constitution soumise au référendum est un stratagème pour briguer un troisième mandat fin 2020.

Les conséquences des violences donnent systématiquement lieu à des versions conflictuelles et difficilement vérifiables. Dans ce contexte, la question des appartenances communautaires est particulièrement sensible. Mais la dénonciation des excès des forces de sécurité par les défenseurs des droits humains est une constante.

M. Condé, ancien opposant historique devenu premier président démocratiquement élu, assure qu’il s’agit de doter son pays d’une Constitution « moderne » qui, par exemple, interdirait la circoncision féminine. Il entretient l’ambiguïté sur ses ambitions personnelles.

Le vote s’est tenu dans l’ombre de la pandémie du nouveau coronavirus qui accapare l’attention internationale. L'ONU a fini par s’exprimer mardi.

Le secrétaire général Antonio Guterres « déplore » les violences et appelle « instamment toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue » et à reprendre le dialogue. Il presse les forces de sécurité à se conformer aux standards internationaux d’usage de la force, a dit le porte-parole Stéphane Dujarric.

« Le caractère non inclusif de ces élections et non consensuel du fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de sécurité et de défense excédant la simple sécurisation du processus n’ont pas permis la tenue d’élections crédibles », a réagi le ministère français des Affaires étrangères. Il a noté que le vote s’était déroulé sans observateurs internationaux.

Deux jours après le vote boycotté par l’opposition, le gouvernement n’a toujours fourni aucune indication quant à la participation ou l’annonce de résultats. Lire sur ouest-france.fr

Le 25 mars 2020

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