L’indignation est générale après la mort d’une jeune femme de 22 ans que le 15 du Bas-Rhin n’a pas voulu prendre en charge.

C’est un minuscule filet de voix, timide et poli. « Aidez-moi, madame, aidez-moi, j’ai très mal », supplie Naomi. La réponse brutale et radicale de l’opératrice du Samu de Strasbourg (Bas-Rhin) est inversement proportionnelle à l’émotion et à l’effroi qui se propagent sur les réseaux sociaux et dans tout le pays.

Car quelques heures après son appel à l’aide, Naomi Musenga, rayonnante jeune maman de 22 ans, est décédée au Nouvel hôpital civil de Strasbourg. Entre-temps, elle avait réussi à appeler SOS Médecins, qui, ironie du sort, l’avait réorientée vers le Samu. Cet improbable enchaînement de faits s’est déroulé le 29 décembre, mais l’enregistrement de la conversation entre Naomi et l’opératrice, demandé au Samu par la famille, vient seulement d’être rendu public.

Bien sûr, personne ne peut dire que Naomi serait encore en vie si son appel à l’aide avait été immédiatement pris au sérieux. Mais cet épisode alerte sur une médecine de plus en plus déshumanisée, victime de son manque de moyens. « Les appels relevant de la santé, par le Samu, doivent être traités de façon moderne et rigoureuse par les professionnels dont c’est le métier », tance son président, le Docteur François Braun, avant d’appeler le gouvernement à une réforme de la « régulation médicale ».

«La peur de faire une connerie»

Après Thomas l’an passé -mal pris en charge par le Samu en Isère, le jeune homme a dû être amputé de la jambe-, après Naomi, combien d’autres cas ? « J’ai fait un AVC. Alors que la paralysie de la bouche commençait, l’opératrice me demandait quelle quantité d’alcool j’avais bue », nous confie ce mardi un patient parisien.

« La peur de faire une connerie, elle est là tout le temps. C’est tellement dur de faire le tri entre les vraies urgences et les fausses », défend fébrilement de son côté un urgentiste du Samu de Paris.
Les périodes de fête, ou comme cette semaine, de ponts et de jours fériés, n’arrangent pas les choses. « Ce sont pour nous des moments tendus car les cabinets de médecins sont fermés, faisant augmenter le flux d’appels », décrypte le Docteur Philippe Garry, médecin urgentiste au Samu des Bouches-du-Rhône. Ici, comme dans la plupart des centres, les médecins sont en sous-effectif. « Concrètement, cela signifie qu’au lieu de prendre six appels à l’heure, on en prend entre 12 et 20. »

«Graves dysfonctionnements»
Philippe Garry n’excuse pas pour autant le comportement des opératrices de Strasbourg. « Il faut apprendre à nos jeunes médecins à pêcher par excès de moyens plutôt que par défaut. Au téléphone, on ne sait jamais vraiment ce qui se passe alors la prudence est la règle d’or », incite-t-il avant de lâcher : « On ne s’appelle pas Samu pour rien. Ça veut dire Service d’aide médicale urgente. On se doit d’être au service des gens. »
Dans un laconique communiqué de onze lignes, les hôpitaux de Strasbourg annoncent diligenter une enquête administrative. « Profondément indignée », la ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé ce mardi soir qu’elle allait demander une enquête à l’Igas(Inspection générale des affaires sociales) « sur ces graves ces graves dysfonctionnements ». « Je m’engage, promet-elle à ce que sa famille obtienne toutes les informations. »

Florence Méréo,LeParisien.fr
Le 9 mai 2018

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