Dans un rapport publié mardi 12 décembre, Amnesty International estime que l’Union européenne (UE) est complice "des violences et des tortures" subies par les migrants en Libye. En mettant en place une politique qui vise à contenir les migrants en Libye, les États membres "dévoilent leur vraie priorité : la fermeture de la route de la Méditerranée centrale, en faisant peu de cas des souffrances causées", dénonce l’ONG.

 

"Les gouvernements européens se rendent sciemment complices des violences et des tortures infligées à des dizaines de milliers de réfugiés et de migrants détenus par les services libyens de l’immigration dans des conditions épouvantables en Libye", écrit sans détour Amnesty International dans un rapport intitulé "Libya’s dark web of collusion" et rendu public mardi 12 décembre, quelques semaines après l’indignation mondiale suscitée par la vente de migrants en Libye.

Afin d’empêcher des milliers de personnes de traverser la Méditerranée, l’Union européenne (UE) soutient un "système complexe d’abus et d’exploitation des réfugiés et des migrants qui implique les garde-côtes libyens, les services de détention et les passeurs", dénoncent encore les auteurs du rapport.

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Des accusations déjà formulées le 14 novembre dernier par le Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, qui estimait que "la coopération de l’Union européenne avec la Libye pour stopper l’arrivée de migrants est inhumaine".

Une politique européenne qui vise à contenir les migrants

Depuis fin 2016, plusieurs mesures ont en effet été mises en place par les États membres de l’UE, notamment l’Italie - pays en première ligne sur le front de l’accueil des migrants qui débarquent toujours plus nombreux le long de ses côtes.

L’UE s’est engagée à fournir un soutien et une assistance technique au Service libyen de lutte contre l’immigration illégale. Or, selon l’ONG, les migrants sont détenus dans ces centres "de manière arbitraire, pour une durée indéfinie, et sont exposés à de graves violations des droits humains, notamment la torture".

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De plus, en fournissant des formations, des équipements comme des bateaux, et une assistance technique, les pays européens ont permis aux garde-côtes libyens d’intercepter les migrants en mer et de les renvoyer dans les centres de rétention du pays "où ils subissent des traitements terribles".

Enfin, Amnesty International dénonce des accords conclus entre l’UE, les autorités locales et les chefs de tribus et de groupes armés, qui permettent de renforcer les contrôles aux frontières dans le sud du pays.

Collusion entre les passeurs et les garde-côtes libyens

Les migrants et réfugiés interrogés par l’ONG ont raconté les violations qu’ils ont endurées ou dont ils ont été témoins : détention arbitraire, torture, travail forcé, extorsion et homicides illégaux… pratiqués par les autorités, des trafiquants, des groupes armés et des milices. 

Par ces témoignages, l’ONG internationale dénonce la collusion entre les gardiens, les passeurs et les garde-côtes libyens. Dans les centres officiels, "les gardiens torturent les migrants pour leur extorquer de l’argent". Quand ils sont libérés, ils sont parfois remis à "des passeurs qui leur font quitter la Libye en coopération avec les garde-côtes libyens", signalent les auteurs du rapport, affirmant que "la garde-côtière libyenne escorte des bateaux jusque dans les eaux internationales".

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En 2016 et 2017, les accords avec l’UE ont permis d’augmenter le nombre d’opérations qui visent à renvoyer les migrants en Libye. Ainsi, depuis le début de l’année, plus de 19 000 personnes ont été interceptées par les garde-côtes libyens et renvoyés dans les centres de rétentions du pays.

Les ONG intimidées par les garde-côtes libyens

En outre, ces opérations en mer menées par les autorités libyennes viennent perturber le travail de sauvetage des associations présentes en Méditerranée et mettent en danger les migrants qui se trouvent à bord d’embarcations en détresse.

Le 6 novembre dernier, "les manœuvres brutales [des garde-côtes] ont contribué à la noyade d’une cinquantaine de personnes", note Amnesty. À bord du Ras Jadir, une frégate donnée par l’Italie en avril 2017, les Libyens n’ont pas suivi les protocoles de sécurité, forçant les migrants à escalader les hautes parois du navire et provoquant la mise à l’eau de beaucoup d’entre eux. "On voit également [dans une vidéo] des migrants se faire fouetter avec une corde", déclarent les auteurs du rapport.

infomigrants.ne
Le 12 décembre 2017

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