Chemnitz (Allemagne) (AFP) - L'extrême droite allemande a maintenu la pression sur Angela Merkel et sa politique migratoire jeudi soir en rassemblant à nouveau un millier de manifestants à Chemnitz, devenue l'épicentre de la mobilisation contre les demandeurs d'asile en Allemagne.

Contrairement aux dernières manifestations de dimanche et lundi dans cette ville saxonne de l'ex-RDA, l'action organisée dans le sillage du meurtre d'un Allemand à coups de couteau le week-end dernier - pour lequel la justice soupçonne deux jeunes irakien et syrien - s'est cette fois déroulée sans incident.

"Ordre et sécurité", pouvait-on lire sur les calicots, ou encore "Le peuple se lève".

"Tous les jours, je vois des gens âgés, des jeunes défavorisés, des Allemands, et quand on voit tout ce que les demandeurs d?asile obtiennent, je ne veux pas en dire plus, ce n?est pas étonnant que les gens explosent", dit à l'AFP un des participants, Tobias, un quinquagénaire qui habite la région.

Les protestataires se sont rassemblés à proximité d'une réunion qu'organisait le chef du gouvernement de Saxe, Michael Kretschmer, membre du parti de centre droit de la chancelière Angela Merkel, et la maire sociale-démocrate de Chemnitz, avec des habitants de Chemnitz pour tenter de ramener le calme.

- Comité Auschwitz -

Et ils ont eu fort à faire dans un climat souvent tendu. Plusieurs des habitants de Chemnitz les ont pris à partie en leur reprochant de ne pas suffisamment s'occuper de la population allemande de la région.

Après l'homicide du week-end, environ 800 personnes ont défilé dimanche pour protester, dont de nombreux sympathisants de groupes néonazis qui se sont livrés selon les autorités à des "chasses collectives" contre les étrangers dans la rue. Le lendemain un nouveau rassemblement a dégénéré en échauffourées avec des contre-manifestants de gauche, faisant une vingtaine de blessés.

Le vice-président du Comité international d'Auschwitz, Christoph Heubner, a tiré jeudi la sonnette d'alarme.

"Les survivants d'Auschwitz dans le monde entier perçoivent les événements de Chemnitz de manière dramatique, ils sont de plus en plus inquiets face aux tentatives de groupuscules d'extrême droite de prendre le contrôle de la rue", a-t-il dit dans un communiqué.

La police a été critiquée pour avoir souvent paru débordée mais aussi en raison de soupçons de collusion avec la droite ultra dans ses propres rangs ou dans ceux de la justice locale.

- Scandale -

Jeudi soir, un gardien de prison, employé par le ministère saxon de la Justice, a révélé être à l'origine d'un scandale sur la fuite de documents judiciaires confidentiels - un mandat d'arrêt - concernant l'enquête sur l'homicide au couteau qui a mis dimanche le feu aux poudres.

L'homme, Daniel Zabel, a dit avoir voulu ainsi faire en sorte que "le public sache ce qui s'est passé", accusant les médias de "manipuler" la vérité et les autorités de "mentir" à la population. Il avait transmis le mandat d'arrêt à un groupe d'extrême-droite local, qui l'avait lui diffusé sur les réseaux sociaux.

Le gouvernement régional l'a immédiatement suspendu et il risque la prison.

Il a en revanche été fêté en héros par l'extrême droite sur les réseaux sociaux et lors de la manifestation de Chemnitz, où un des orateurs jeudi soir l'a comparé au lanceur d'alerte Edward Snowden.

Le document donnait des détails sur l'agression, la victime ayant été frappée de cinq coups de couteau au thorax, mais aussi l'identité et l'adresse du suspect principal irakien, un demandeur d'asile, ainsi que les noms de témoins.

La droite ultra fait depuis des mois campagne sur le thème des crimes commis par des étrangers en Allemagne, accusant la chancelière Angela Merkel d'en être responsable pour avoir ouvert les portes de son pays à plus d'un million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016, provenant principalement de Syrie et d'Irak.

Une stratégie de la tension qui semble porter électoralement ses fruits : l'AfD (Alternative pour l'Allemagne, extrême droite) talonne désormais le parti social-démocrate dans les sondages derrière les conservateurs d'Angela Merkel, avec des élections régionales qui se profilent en Bavière et en Hesse en octobre.

Isabelle LE PAGE et Raphaëlle LOGEROT, AFP
Le 30 août 2018

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