Mali: "exécutions sommaires" de militaires dans le Nord, selon Paris et Bamako

BAMAKO - L'offensive de rebelles touareg dans le nord du Mali depuis la mi-janvier a été marquée par des "exécutions sommaires" de dizaines de militaires, mais aussi de civils, à Aguelhok (nord-est), a annoncé lundi un ministre français, ce qu'a confirmé l'armée malienne à Bamako.

"Il y a eu effectivement des violences absolument atroces et inadmissibles à Aguelhok, il y a eu effectivement des exécutions sommaires, des soldats, des personnes - on parle d'une centaine - qui ont été capturées et ont été froidement exécutées", a déclaré le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt.

M. de Raincourt, qui s'est rendu au Mali le 9 février, n'a pas précisé qui en était responsable, mais a souligné que "certains prétendent que la méthode utilisée pour l'exécution s'apparente à celle utilisée par Al-Qaïda".

Selon le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, "on ne sait pas très bien quelle est la part que joue Al-Qaïda ou Aqmi (dans ces attaques), mais il y a eu des massacres tout à fait épouvantables et que nous avons condamnés".

Selon une source française proche du dossier, "au total, il y a eu 82 morts exactement, pas de civils".

Le chef de la Direction de l'information et des relations publiques (Dirpa) du Mali, le colonel Idrissa Traoré, a confirmé "ces exécutions sommaires" le 24 janvier à Aguelhok, indiquant qu'elles ont également visé des civils.

"Il y a eu effectivement des exécutions sommaires ce jour, des personnes ont été égorgées, d'autres ont tout simplement reçu une balle dans la tête", et il y a eu des "civils" parmi les victimes de ces exécutions qui ne peuvent avoir été commises que par "ces gens" d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a-t-il dit.

Il a affirmé ne pas pouvoir donner "le nombre exact" de tués, parlant "d'au moins une soixantaine de personnes qui ont été exécutées". Un officier qui a enterré des victimes de ces exécutions, contacté par l'AFP, a affirmé avoir compté "97 soldats tués".

Le colonel Traoré a précisé qu'une "commission nationale d'enquête s'est rendue sur les lieux" la semaine dernière.

Le 26 janvier, le gouvernement malien avait annoncé que des membres d'Aqmi et des rebelles touareg avaient attaqué ensemble Aguelhok.

Connexion entre Aqmi et MNLA

C'était la première fois qu'il était fait état d'une connexion d'Aqmi avec le MNLA, mouvement politico-militaire né fin 2011 de la fusion de groupes rebelles touareg. Dans le même temps, Paris avait affirmé n'avoir "aucune indication" sur des liens entre Aqmi et la rébellion touareg dans les combats.

Aguelhok, à 150 km au nord-est de Kidal, a été le théâtre de violents combats qui "ont forcé environ 4.000 personnes à fuir et à s'installer dans les villages environnants, la plupart dans des conditions très précaires", selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Une mission du CICR et de la Croix-Rouge malienne était sur place il y a moins d'une semaine, pour évaluer la situation. Le CICR a distribué des vivres aux déplacés.

Le Mali est confronté depuis le 17 janvier à des attaques de rebelles touareg contre plusieurs localités et objectifs de l'armée dans sa partie nord. Les assauts sont menés par des hommes du MNLA et d'autres rebelles, dont des hommes lourdement armés rentrés de Libye où ils avaient combattu pour le régime de Mouammar Kadhafi, aujourd'hui déchu.

Les affrontements ont poussé des dizaines de milliers d'habitants à fuir ces zones: il y a des déplacés internes au Mali (au moins 30.000 recensés par le CICR, sans compter 20.000 autres évoqués par des sources locales) et au moins 13.000 réfugiés en Mauritanie, 10.000 au Niger, 3.000 à 8.000 au Burkina Faso.

Lundi, le président malien Amadou Toumani Touré a fait une brève visite à Ouagadougou pour participer à une rencontre régionale. En marge des travaux, il s'est entretenu avec son homologue burkinabè Blaise Compaoré, dont le pays abrite quelque 10.000 réfugiés maliens.

Parmi ces réfugiés, d'après le gouvernement burkinabè, figurent "72 militaires et paramilitaires", dont un commandant de gendarmerie ayant récemment affirmé à la presse locale que les rebelles réclamaient "l'indépendance du Nord-Mali".

Un officiel malien a souhaité que Ouagadougou puisse le "faire taire" ou le remettre à Bamako pour qu'il soit jugé.

 

AFP

14.02.2012


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