Les partisans de l'ancien président Laurent Gbagbo, acquitté mardi par la Cour pénale internationale (CPI), se réjouissaient en Côte d'Ivoire où désormais tout le monde s'interroge sur son retour et ses conséquences politiques.

"Libéré, libéré !" ont crié des centaines de personnes dans sa ville natale de Gagnoa à l'annonce de la décision de la CPI, suivie en direct, laissant exploser leur joie. Concerts d'avertisseurs, cris, danses et parades de petits groupes, notamment de lycéens, se sont succédé dans la ville.

L'ex-président et son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, qui comparaissaient pour crimes contre l'humanité, ont été acquittés de l'ensemble des charges.

Partout, les militants dansaient sur un des tubes ivoiriens récents de musique zouglou, "Allons à Gagnoa" de Magic Diezel : "Toi-même tu sais que je sais que CPI connaît! Si je dis pas son nom, le morceau sera pas doux. Koudou Laurent Gbagbo, il vient de Gagnoa!"

A la campagne, certains villages ont fait la fête, ralentissant la circulation.

Étrangement à Yopougon, le grand quartier populaire d'Abidjan réputé pro-Gbagbo, l'accueil a été plus calme qu'à la mi-décembre lorsque l'annonce erronée de sa libération avait provoqué d'importants mouvements de liesse populaire. Mardi, seuls quelques petits groupes manifestaient leur joie.

L'ancienne première dame de Côte d'Ivoire, Simone Gbagbo, a laissé éclater sa joie devant des militants : "C'est la joie, c'est une décision que j'attendais depuis le début. Le président Laurent Gbagbo n'est pas coupable de tout ce dont on l'accusait, aujourd'hui la vérité est proclamée par les juges eux-mêmes. Il n'aurait jamais dû être arrêté ni déporté à la CPI".

"Je l'attends ici le plus rapidement possible. Le président du parti est libéré, il revient au pays, c'est la joie", a conclu Mme Gbagbo, elle-même libérée en août 2018 à la faveur d'une amnistie présidentielle, après avoir purgé sept ans de prison dans son pays.

- Négociations pour son retour -

Bientôt libre, Laurent Gbagbo devrait négocier son retour. Une condamnation de 20 ans de prison en Côte d'Ivoire pour le "braquage" de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BECEAO) pèse officiellement sur ses épaules. Toutefois, après l'acquittement de la CPI, cette affaire de "braquage" mal élucidée ne semble pas peser bien lourd.

"On voit mal les autorités tenter de l'arrêter, mais la condamnation rentrera dans le cadre des négociations de son retour", affirme une source sécuritaire.

Sur le plan politique, le retour de Gbagbo va à nouveau complètement changer la donne, quelques mois après l'éclatement de la coalition au pouvoir. L'ancien parti de Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), aujourd'hui divisé en deux branches rivales, devrait se réunir derrière son patron.

"Les conditions sont réunies pour l'unité en vue de la reconquête du pouvoir en 2020", lors de la présidentielle, a déclaré le secrétaire général et numéro deux du FPI, Assoa Adou.

Jean-Louis Billon, l'une des figures du premier parti d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), a estimé sur Twitter que la libération de M. Gbagbo était "une étape importante vers la réconciliation nationale et la justice, un processus indispensable pour préparer la Côte d'ivoire de demain".

L'ancien président Henri Konan Bédié, chef du PDCI, avait confié à l'AFP la semaine dernière être en contact avec M. Gbagbo pour que son parti intègre une plateforme commune d'opposition.

Les autorités ivoiriennes n'ont pas réagi dans l'immédiat mais Joël N'Guessan, une figure du clan présidentiel, a déclaré à l'AFP : "Nous prenons acte. Il n’y a pas à faire de commentaire politique sur une décision de justice. Simplement, nous disons que tous doivent être conscients qu'après cette crise qui a fait 3.000 morts, c'est +Plus jamais ca!+. Ils faut qu'ils comprennent cela".

M. N'Guessan a estimé que M. Gbagbo pourrait revenir prochainement, soulignant que la "loi fondamentale ivoirienne interdit l'exil" et rappelant que le président Alassane Ouattara avait "fait libérer en août 8.000 personnes" dans le cadre d'une amnistie sur la crise post-électorale.

AFP
Le 15 janvier 2019

Écrire commentaire

Commentaires: 0