Les associations d’aide aux étrangers s’insurgent contre le texte «asile et immigration» présenté ce mercredi en Conseil des ministres par Gérard Collomb, qu’elles jugent bien trop répressif malgré quelques petites avancées.

Si elle est suivie, c’est une grève qui pourrait faire un peu tache. Ce mercredi, jour de présentation en Conseil des ministres du projet de loi «pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif», deux syndicats de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’organisme justement chargé de l’examen des demandes d’asile, appellent à la grève. Avec des membres de la Cour nationale du droit d’asile, qui statue sur les recours formés contre ses décisions et qui avait déjà débrayé la semaine dernière, ils doivent se réunir devant le Conseil d’Etat à 11 h 30 pour protester contre un texte visant à améliorer l’asile en France, selon le gouvernement, mais dont ils estiment qu’il «entrave» en fait l’accès aux droits. Les acteurs associatifs s’alarment d’une série de mesures techniques destinées à fluidifier le traitement des dossiers de demande d’asile mais réduisant notamment les délais de recours… Ils s’inquiètent aussi du durcissement de la politique d’éloignement, en particulier du doublement, voire du triplement, de la durée maximale de rétention pour les étrangers censés quitter le territoire. «Les mesures [du projet de loi] qui sont susceptibles d’améliorer les droits ou garantir une meilleure protection sont très accessoires et ne concernent qu’une très faible proportion des personnes», juge l’association de défense des droits des étrangers la Cimade. Même vision pour le responsable plaidoyers de Médecins du monde, Christian Reboul, pour qui «ce texte répond au besoin d’éloignement, pas au besoin de protection».

«Arêtes»

Le gouvernement ne cache pas la philosophie du projet de loi : mieux accueillir, «et en même temps» renforcer l’arsenal pour éloigner les sans-papiers et déboutés. «Cet angle a l’apparence de définir des critères objectifs, il est confortable car facile à expliquer à l’opinion. Mais il faut sortir de cette dichotomie, estime encore Christian Reboul.En quelques années, la perception de la légitimité s’est déplacée : quand on a accueilli 130 000 boat people, personne n’a trouvé ça anormal.»

Les associations voient tout de même d’un bon œil une poignée d’éléments du texte : augmentation de la durée du titre de séjour accordé au motif de la protection subsidiaire (lorsqu’une personne n’est pas considérée comme réfugiée mais que la protection temporaire de la France lui est malgré tout accordée car elle court un péril dans son pays) ou de l’apatridie d’un à quatre ans ; extension pour les mineurs reconnus comme réfugiés ou protégés de la réunification familiale aux frères et sœurs, et non plus seulement aux parents ; renforcement de la protection des jeunes filles exposées à un risque d’excision ; facilitation de l’installation des étudiants chercheurs via la transcription d’une directive européenne ; dispositions protectrices du droit au séjour des victimes de violences conjugales… L’objectif de traiter les demandes d’asile en six mois, au lieu de onze en moyenne, recours compris, est aussi bien accueilli, tant que cela ne nuit pas à la qualité de l’examen. Mais ces éléments, pas plus que le rapport du député LREM du Val-d’Oise Aurélien Taché, qui a remis lundi au Premier ministre 72 propositions pour faciliter l’intégration des étrangers, ne persuadent pas le directeur général de France Terre d’Asile, Pierre Henry, que le projet de loi, auquel devraient être intégrées certaines mesures de Taché, est équilibré : «Quand l’entrée est ratée, le plat présente des arêtes, vous pouvez avoir un bon dessert, le menu va vous laisser une idée médiocre !»

Circulaire

Même des députés LREM, pourtant habitués à voter comme un seul homme, ont émis des doutes sur certaines mesures du texte. Mais rien ne dit qu’ils désobéiront lors de son examen au Parlement en avril. En attendant, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui porte le projet, est en veine : le Conseil d’Etat a refusé mardi de suspendre sa circulaire sur les contrôles des personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence, qui avait scandalisé les associations en décembre.

Kim Hullot-Guiot
liberation.fr
le 21 février 2018

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