La pandémie de Covid-19 et le contexte sécuritaire toujours tendu ont constitué un terreau fertile aux atteintes des droits de l'homme au Mali. Preuve en est, avec le rapport de la MINUSMA. Il fait état d'abus et de violation des droits humains de la part des groupes terroristes, mais aussi d'exécutions extra-judiciaire et arbitraires de la part des forces armées maliennes (FDSM).

Au Mali, la situation sécuritaire s'est empirée. C'est la conclusion d'un rapport émis par la division des droits de l'homme de la MINUSMA. Entre le 1er avril et le 30 juin, le rapport fait état de 456 abus et 176 violations des droits humains dans les régions du Centre (Mopti et Ségou) et celles du Nord (Gao, Kidal, Ménaka et Tombouctou). Ces exactions ont causé la mort de 323 personnes dont 23 enfants et 11 femmes. L'ONU a pointé du doigt les Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) comme pérpétratrices de 94 exécutions "sommaires, arbitraires et extra-judiciaires". 
 

Exécutions sommaires de la part des forces maliennes 

 

Des violations graves des droits de l'homme, en augmentation, sont attribuées au FDSM, les forces de défense et de sécurité maliennes. "Ces violations ont été perpétrées pour la plupart, par des unités de l’armée de terre et de la garde nationale. La Division a ainsi documenté, entre le 1er avril et le 30 juin, 126 violations des droits de l’homme imputables aux FDSM dont 94 exécutions sommaires, arbitraires et extrajudiciaires, 8 cas de disparitions forcées ou involontaires et 24 atteintes à l’intégrité physique sur l’ensemble du territoire national", notent les auteurs du rapport. 

En mars dernier, l'ONU avait justement demandé au gouvernement malien un engagement plus fort contre l'impunité au sein de l'armée, après avoir dénoncé 101 exécutions extrajudiciaires par les soldats. 

Le rapport de la MINUSMA pointe aussi du doigt les forces internationales. Des exécutions sommaires ont été pérpétrées par les forces armées du Burkina Faso sur le territoire malien. Initialement présents sur le sol pour des opérations de lutte contre le terrorisme, 11 de ces soldats seraient responsables de 50 exécutions arbitraires en 2020 sur le territoire malien. 
 

Contexte sécuritaire au Mali


Le rapport fait état d'un trimestre marqué par un contexte sécuritaire volatile, caractérisé par "un nombre important d’attaques asymétriques et d’embuscades" des groupes Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), Ansar Eddine, la Katiba Macina, Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM), Al Mourabitoune et autres groupes similaires. Ces assauts ont visé les forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM). Elles ont entrainé parfois des violences meurtrières contre les populations civiles.

Des affrontements entre l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS), le Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) ont causé la mort de plusieurs civils dans les régions de Gao, Mopti et Ménaka. Dans la zone des trois frontières, le rapport fait état d'une "recrudescence des attaques terroristes et d'un renforcement des opérations militaires et anti-terroristes conduites par les forces internationales".

Pour les auteurs de la note, les attaques illustrent "le non-respect par les groupes armés opérant au Mali de l’appel du Secrétaire Général des Nations Unies lancé le 23 mars 2020 pour la cessation des hostilités afin de donner un répit aux civils".
 

Quelques chiffres


La région de Mopti est la plus touchée et compte pas moins de 386 cas recensés de violations ou d'abus des droits de l'homme. Viens ensuite Ségou avec 52 cas recensés, Gao et Tombouctou avec respectivement 47 et 46 cas recensés, Kidal, Menaka et Kayes, avec 37, 35 et 25 cas.

Les groupes d'autodéfense sont responsables du plus grand nombre d'exactions au Mali, suivis par le FDSM et les groupes extrémistes. Les groupes signataires, les groupes armés non identifiés et les forces burkinabé sont aussi responsables d'un certain nombre d'abus et de violations.
 

Attaques et différents responsables

 

  • Augmentation des attaques par les groupes extrémistes

Les attaques des groupes tels que AQMI et autres groupes similaires ont continué à se perpétrer au cours de la période en revue. La MINUSMA a documenté 63 attaques perpétrées par les groupes extrémistes aussi bien dans les régions du nord  que dans celles du centre. Il s'agit le plus souvent de meurtres, d'enlèvements, d'atteintes à l’intégrité physique, d'attaques contre les écoles, d'attaques contre des centres de santé, d'attaques contre des humanitaires. Mais aussi de violences sexuelles.

Les chiffres sur la période du 1er avril au 30 juin sont en augmentation de 19,41%  par rapport au trimestre précédent. 
 

  • Les groupes armés signataires et non signataires de l’accord de paix d’Alger de 2015, notamment ceux de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) et de la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger, ont aussi poursuivi leurs attaques au Mali. Selon le rapport, "la région de Kidal, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) s’est progressivement substituée à l’Etat comme une autorité defacto". Par ailleurs, des informations reçues par les auteurs du rapport attestent de l’exploitation d'enfants dans des mines d’or contrôlées par la CMA à Kidal. 
  • Tensions intra-communautaires : les membres des communautés peule et dogon se sont affrontés principalement dans la région de Mopti. Des attaques qui ont causé la mort de 172 personnes. Les membres de la communauté peule et les dozos, des chasseurs traditionnels, ont conduit respectivement 53 et 10 attaques.
  • Des violations graves des droits de l'homme, en augmentation, sont attribuées au FDSM, les forces maliennes. "Ces violations ont été perpétrées pour la plupart, par des unités de l’armée de terre et de la garde nationale. La Division a ainsi documenté, entre le 1er avril et le 30 juin, 126 violations des droits de l’homme imputables aux FDSM dont 94 exécutions sommaires, arbitraires et extrajudiciaires, 8 cas de disparitions forcées ou involontaires et 24 atteintes à l’intégrité physique sur l’ensemble du territoire national", notent les auteurs du rapport. 
  • Répression lors de manifestations publiques : la période observée a été marquée par le second tour des élections législatives le 19 avril 2020 et par des violences post électorales, à la suite de la proclamation des résultats définitifs de l’élection législative. Les interventions des forces de l'ordre sur les manifestations ont occasionné la mort d'un manifestant après des affrontements.

Quelles réponses du gouvernement malien ?

Une nouvelle résolution exhorte les autorités maliennes à lutter contre l'impunité et traduire en justice les auteurs d'abus et de violations des droits de l'homme. Mais selon le rapport, les actions du gouvernement malien restent largement insuffisantes, notamment parce que le système judiciaire reste très peu fonctionnel dans certaines régions du nord et du centre.
tv5monde
Le 9 août 2020

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