Les nations signataires de l'accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique, doivent faire plus d'efforts afin d'éviter "la catastrophe qui se profile", alertent des chercheurs.

Derrière les belles promesses existe une triste vérité : la grande majorité des pays qui ont signé l'accord de Paris ne font pas suffisamment d'efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est la conclusion du rapport "La vérité derrière les promesses climatiques", publié ce mardi par l'Universal Ecological Fund, un collectif de chercheurs dont Robert Watson, l'ancien président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), fait partie. Loin de prendre des pincettes, ces scientifiques préviennent de l'imminence de la "catastrophe environnementale et économique due au changement climatique induit par l'homme" si de nouvelles mesures ne sont pas immédiatement mises en oeuvre.

 

En bref. L'accord de Paris a été signé par 195 pays sur les 197 que reconnaît l'ONU. Il vise à contenir le réchauffement climatique en dessous de +2°C - idéalement +1,5°C - par rapport aux températures qui existaient à l'époque préindustrielle (en 1900), alors qu'elles atteignent déjà +1°C aujourd'hui. Cet objectif nécessite de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), dont le CO2 est le principal constituant, de 50% d'ici 2030. Mais selon cette nouvelle étude, la grande majorité des engagements des nations du globe en matière de réduction des émissions pour la période 2020-2030 seront partiellement voire totalement insuffisants pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris. 

Qui sont les (très) mauvais élèves

La Chine. Le plus gros pollueur de la planète - 26,8% des GES - a promis de réduire son intensité carbone de 60 à 65% par rapport aux niveaux de 2005. Sauf que, jusqu'à maintenant, ses émissions de CO2 ont plutôt augmenté de 80% entre 2005 et 2018. Pire, selon les chercheurs, cette progression devrait se poursuivre ces 10 prochaines années en raison de la croissance économique de l'Empire du milieu. 

Les États-Unis. Le deuxième plus gros pollueur de la planète (13,1% des GES) ne fait pas beaucoup mieux. Car si le pays de l'Oncle Sam s'était engagé à réduire, d'ici 2025, ses GES de 26 à 28% par rapport aux niveaux de 2005, Donald Trump a décidé de sortir de l'accord de Paris. Un retrait officialisé lundi 4 novembre. Son administration a déjà supprimé des régulations fédérales visant à réduire ses émissions et les efforts fournis par quelques États rebelles comme la Californie apparaissent encore insuffisants aux yeux des auteurs du rapport.
L'Inde. Le quatrième émetteur de GES (7%) a pris l'engagement de réduire, d'ici 2030, l'intensité de ses émissions de GES de 30 à 35% par rapport au niveau de 2005. Cet objectif, insuffisant, pourrait facilement être tenu si l'Inde fournissait plus d'efforts, estiment les chercheurs. Sauf que ces émissions ont augmenté d'environ 76% entre 2005 et 2017 et, comme pour la Chine, cette progression devrait se poursuivre d'ici 2030. 

La Russie. Si le bonnet d'âne climatique existait, il reviendrait au cinquième plus gros émetteur de GES du monde. Le pays de Vladimir Poutine n'a toujours présenté de plan de route visant à lutter contre ses propres émissions.

Et les bons élèves ?

L'Union européenne est bien seule. Les pays de l'UE ont beau être, ensemble, le troisième plus gros émetteur de GES de la planète (9%), ils sont les seuls à véritablement agir pour le climat. Les 28 États membres se sont engagés à réduire, d'ici 2030, leurs émissions de GES d'au moins 40% par rapport au niveau de 1990. Ils ont déjà réussi à les diminuer de 22% et, s'ils poursuivent leurs efforts, pourraient atteindre les 58% d'ici 2030. Néanmoins, quelques pays, comme l'Allemagne ou la Pologne, dépendent toujours d'énergies fossiles tel que le charbon pour alimenter leur réseau électrique. L'Allemagne est d'ailleurs le plus gros émetteur de CO2de l'UE (22% du total), derrière le Royaume-Uni (10,7%), l'Italie (10%), la Pologne (9,6%) et la France (9,3%).

Comment est élaboré le classement?

Un classement selon quatre critères. Les engagements climatiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre sont décidés par chaque États et tous ne visent pas forcément à réduire les émissions entre 2020 et 2030. Néanmoins, les chercheurs ont répertorié les engagements formulés par 184 signataires de l'accord de Paris (13 n'ont pas encore rédigé de plan de route) et ont effectué une classification mondiale selon quatre critères.

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Résultat : seuls 36, tous européens, présentent des engagements "suffisants" (vert). 12 pays ont des engagements "partiellement suffisants" (jaune). Huit États tombent dans la catégorie "partiellement insuffisante" (orange) et 128 pays, dont la Chine, les États-Unis et l'Inde (responsables de plus de 45% des émissions de GES), ont des engagements "insuffisants" (rouge), le plus souvent parce que leur capacité d'honorer leurs promesses dépend entièrement d'une aide financière ou technologique internationale... Qui n'est pas assurée. 

Classement des pays en fonction de leurs promesses de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Vert : suffisant, supérieur ou égal à 40%Jaune : partiellement suffisant, 20 à 40% Orange : partiellement insuffisant, moins de 20%, et jusqu'à 50% de réductions conditionnellesRouge : insuffisante, soit à cause d'un manque de promesses, soit parce que plus de 50% sont conditionnellesNoir : pas de promesseClassement des pays en fonction de leurs promesses de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Vert : suffisant, supérieur ou égal à 40%Jaune : partiellement suffisant, 20 à 40% Orange : partiellement insuffisant, moins de 20%, et jusqu'à 50% de réductions conditionnellesRouge : insuffisante, soit à cause d'un manque de promesses, soit parce que plus de 50% sont conditionnellesNoir : pas de promesseThe Truth Behind The Climate Pledge/Universal Ecological Fund

Des solutions individuelles et collectives

Pour tenter de réduire rapidement et radicalement les émissions, en particulier les émissions de dioxyde de carbone (CO2) qui représentent environ 70 % des émissions mondiales de GES, les chercheurs avancent plusieurs pistes. 

La première consiste à changer notre manière de produire de l'électricité : idéalement, il faudrait fermer les quelque 2400 centrales à charbon de la planète et les remplacer par des sources d'énergie non-carbonée, comme le nucléaire ou les énergies solaire, éolienne et hydraulique. Une solution non seulement viable, mais rentable, selon les auteurs du rapport, qui regrettent que 250 centrales à charbon soient en construction en ce moment même.

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L'autre piste prioritaire vise à améliorer l'efficacité énergétique. "Et nous pouvons tous contribuer à cet objectif", affirment les scientifiques, selon qui les citoyens doivent se montrer exigeants vis-à-vis de leur gouvernement, mais aussi opter pour une consommation de biens et de services émettant peu de GES, ou encore isoler leurs logements. "Les ménages du monde entier pourraient ainsi économiser plus de 500 milliards de dollars par an en factures d'énergie (électricité, gaz naturel, carburant)", plaident les auteurs, qui notent que ces efforts individuels ont plus d'impacts dans les pays où les citoyens polluent le plus à titre individuel, comme l'Allemagne, le Canada, les États-Unis ou encore la Russie ou les pays pétroliers du Golfe. 

L'impact des actions individuelles sur le climat. Violet très foncé : très haut, 9 tonnes de CO2 par personne (tCO2/personne). Violet foncé : haut, de 5 à 9 tCO2/personne Violet clair : moyen, 1 à 5 tCO2/personne Violet très clair : bas, moins de 1 tCO2/personneL'impact des actions individuelles sur le climat. Violet très foncé : très haut, 9 tonnes de CO2 par personne (tCO2/personne). Violet foncé : haut, de 5 à 9 tCO2/personne Violet clair : moyen, 1 à 5 tCO2/personne Violet très clair : bas, moins de 1 tCO2/personneThe Truth Behind The Climate Pledge/Universal Ecological Fund

 

Si tous les pays ne réagissent pas rapidement, les températures mondiales dépasseront les +1,5°C dès 2030, insistent les chercheurs. Selon les différents scénarios du Giec, du plus au moins favorable, le changement de température globale de l'atmosphère pourrait être compris entre +2 et +7°C d'ici 2100. Élévations du niveau de la mer, phénomènes météorologiques de plus en plus violents, sécheresses, vagues massives "d'immigration climatique"... Les conséquences, largement détaillées dans d'autres rapports, sont déjà connues.

lexpress.fr
Le 5 novembre 2019

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