Vice-président de l’Internet Society qui prône la démocratisation d’internet, l’Éthiopien Dawit Bekele analyse comment les inégalités d’accès à la Toile et aux services numériques peuvent entraver la lutte contre la pandémie de Covid-19.

 

Docteur en informatique formé en France, Dawit Bekele est depuis 2011 vice-président de l’Internet Society, chargé de la région Afrique. Basé à Addis-Abeba, l’Éthiopien porte le message de cette association de droit américain, fondée en 1992, qui a permis que le réseau des réseaux se déploie rapidement hors des milieux académiques. Défenseur d’un internet ouvert, fiable et sécurisé, cette vigie œuvre en Afrique à la création de réseaux communautaires et à l’interconnexion entre les opérateurs.

 

Pour l’ex-entrepreneur, qui a également enseigné à l’université d’Addis-Abeba et qui a conseillé quelques grandes organisations internationales comme la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), l’Unesco ou encore la Banque mondiale, la lutte contre la pandémie de Covid-19 passe aussi par la mise à disposition d’une connexion fiable et de services numériques utiles dans un contexte qui prône la distanciation physique.

 

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Jeune Afrique : Les mesures de confinement ou de couvre-feu mises en place sur le continent mettent-elles en évidence des inégalités face à l’outil internet ?

Dawit Bekele : Bien sûr, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Il y a d’abord les inégalités liées à l’accès à une connexion. Rester chez soi est impossible lorsque vous ne pouvez pas accéder à des services de base comme la livraison en ligne de biens de première nécessité. Et il y a les inégalités d’infrastructures. À Addis-Abeba, il y a des quartiers qui n’ont pas de connexion, et, quand elle fonctionne, la 3G n’est pas fiable. Imaginez donc la qualité du réseau dans les campagnes…

 

D’APRÈS L’OMS, IL EST IMPORTANT DE POUVOIR TRACER LES PERSONNES INFECTÉES

 

Là où le réseau existe, il supporte l’augmentation du trafic et montre sa résilience. Mais la vraie question – du moins dans les zones urbaines – est celle des services numériques. Ce qu’on observe en Éthiopie, par exemple, ce sont des fonctionnaires du gouvernement fédéral à qui l’on a demandé de travailler depuis chez eux sans que rien ne soit prêt. Dans ce pays, vous ne pouvez pas payer les factures d’électricité en ligne, vous devez sortir aller faire la queue devant les agences pour payer.

 

La solution du tracking des smartphones pour enrayer l’épidémie est envisagée dans certains pays, notamment en Afrique du Sud. Que pensez-vous de cette solution ?

 

D’après l’OMS, il est important de pouvoir tracer les personnes infectées. Les États africains sont en mesure de mettre en place cette technologie. Le seul souci est que les pays ne sont pas bien dotés en matière d’autorités de protection des données, bien que la zone francophone soit mieux équipée. Il faut des autorités pour la protection des données et des droits de l’homme capables de prendre en charge la surveillance de l’abus potentiel de ces outils. Donc, oui, techniquement, le « tracking » est possible en Afrique, mais la question de la protection des données personnelles se pose.

 

Doingbuzz.com
Le 5 mai 2020

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