Du jamais vu en Afrique: les supporters du président de la République, prêts à mourir pour lui, sont condamnés par le même président de la République! Pour avoir appelé le président Mahamadou Issoufou à briguer un troisième mandat à la tête du Niger, Issoufou Brah et Salissou Ibrahim ont été inculpés, placés sous mandat de dépôt et ont été jugés jeudi  par le tribunal de grande instance de Zinder.

En faisant ces motions de soutien, les deux  figures de la société civile croyaient bénéficier des cadeaux et des décorations de la part du chef d’État nigérien qu’ils veulent voir rester au pouvoir comme ses pairs d’Afrique francophone ad vitam aeternam.  Le président de l’Union des jeunes nigériens pour le développement a d’aileurs déclaré aux enquêteurs : « Nous sommes des jeunes citoyens qui ont apprécié pendant huit ans les actions de développement du président Issoufou Mahamadou ».

Récompense, ils ont passé quatre jours de garde à vue,  inculpés, puis jugés pour ce flagrant délit qui, selon le procureur du tribunal de grande instance de Zinder,  constitue 《 un complot pour détruire ou changer le régime constitutionnel》. Même son de cloche du côté du parti au pouvoir où Mohamed Bazoum, le président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), a fermement dénoncé :  « Un troisième mandat au Niger signifie un coup d’État. Nous sommes un parti qui a comme ambition de stabiliser le pays pour progresser ».

Plusieurs fois, le président Issoufou Mahamadou a renvoyé sa horde de supporters dehors  en leur disant qu’il ne voulait pas s’accrocher au pouvoir, vaille que vaille,  et tenait à organiser des élections libres et transparentes, pour passer le témoin en 2021. Un exemple à féliciter et à suivre.

Par contre au Togo, après avoir assassiné les civils en 2005 pour s’accrocher au fauteuil présidentiel , Faure Gnassingbe a fait arrêter les responsables de la société civile comme Joseph Eza, Messenth Kokodoko et  Johnson Assigba  pour avoir commis le délit de s’opposer aux mandats non stop . Non seulement Faure Gnassingbe   Eyadema a braqué la constitution en 2002 pour s’offrir un troisième mandat contre l’aspiration populaire en piétinant la constitution originelle de 1992, mais les responsables du parti au pouvoir  RPT-UNIR continuent à militer pour d’autres mandats. Le régime multiplie les arrestations, tortures, tueries de jeunes et enfants.

En Afrique centrale, c’est le rituel: faire des marches et rédiger les motions de soutien aux chefs d’États pour se représenter, torpiller la constitution, voler les fausses élections. Paul Biya a assassiné des centaines de Camerounais qui ont tenté de s’opposer à la modification de la constitution en 2008, et maintenant, ses préfets et sous-préfets ne délivrent les autorisations qu’aux manifestations ,  réunions de rédaction des motions de soutien pour son prochain mandat. Même chose au Tchad où Idriss Déby vient  de modifier la constitution; au Congo de l’homme caméléon multicolore Sassou Nguesso, on ne vit que des manifestations pour le soutien au sanguinaire; en Guinée Papa Promesse Alpha Condé tente un passage en force avec le soutien de ses militants ; en RDC le putschiste Kabila, malgré l’expiration de son mandat, continue à jouer  les prolongations avec les motions de soutien.

En réalité, si les dictateurs africains ont le culot de rester au pouvoir et modifier les constitutions, c’est parce qu’ils bénéficient certes du soutien de l’armée, mais surtout du soutien de certains jeunes corrompus qui gagnent des miettes pour organiser des marches en leur faveur. Comme le disait G. Le Bon: 《 Un dictateur n’est qu’une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables》.

J. RÉMY NGONO - coupsfrancs.com

Le 2 juin 2018 

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