Arrivé à Caen un peu par hasard en octobre 2017, Keita, un jeune Guinéen, est parvenu à s’insérer dans sa vie calvadosienne. Mais une missive l’oblige aujourd’hui à quitter la France. En attendant une audience administrative, il a dû interrompre son apprentissage et vit dans le flou.

D’une arrivée hasardeuse sur le quai de la gare de Caen en octobre 2017 à une promesse d’embauche dans une entreprise de peinture à l’issue de son apprentissage, la trajectoire de Keita avait les contours d’une belle histoire. Jusqu’à ce 8 novembre 2020 où ce Guinéen de 19 ans trouve dans son courrier une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). « Les services de l’Etat remettent en cause son intégration et son parcours », s’indigne Virginie, maman de la petite amie du jeune homme. Cette décision administrative menace Keita d’un retour dans son pays natal, ce qu’il n’imagine pas aujourd’hui.

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« J’ai quitté la Guinée car mon père voulait que j’aille travailler aux champs avec lui. Moi, je voulais étudier. Malgré le soutien de ma mère, nos rapports étaient devenus conflictuels », narre le jeune homme. Il entreprend, avec un voisin, le périlleux voyage vers l’Europe. Libye, Italie, France… Il prend un train vers Caen et intègre un centre d’accueil peu après. « Là-bas, nous sommes évalués et on nous propose quelques enseignements. J’ai fait un stage en mécanique. Ça ne m’a pas plu. Pareil pour la plomberie. Mais j’ai bien aimé la peinture ».

 

Logé à Caen par le Service d’aide aux mineurs isolés (Sami) à partir d’avril 2018, Keita suit un CAP peinture dans un lycée caennais. « Il a eu 13,6 de moyenne, souligne Virginie. Il a fait deux bons stages et a recontacté un de ses patrons pour évoquer la suite. Ça a débouché sur un apprentissage ». Une formation couplée à une promesse d’embauche, pour 2022. En parallèle, fort de bonnes évaluations du Sami, Keita complète son dossier pour des papiers, déposé à l’été 2020.

La famille de sa petite amie et son patron le soutiennent

 

Trois ans et demi en France, sans accroc et avec perspectives. Le pari de Keita était en bonne voie, jusqu’à ce 8 novembre et la réception de l’OQTF. Aussitôt contestée, la mesure est confirmée par le tribunal administratif de Caen en début d’année. « Nous avons pourtant présenté les expériences de bénévolat de Keita, ses diplômes, des courriers de ses amis, collègues et de son patron. Mais la justice a dit non. Elle estime que Keita pourrait faire ce qu’il fait en France chez lui, en Guinée ». L’affaire a été portée devant le tribunal administratif de Nantes. « C’est le tout pour le tout, soupire la mère de sa petite amie. Mais les délais sont longs et pourraient dépasser ceux de l’OQTF. Cela signifie qu’au-delà du 5 novembre, la police pourra venir le chercher ». Et ce, avant que sa requête ne soit tranchée par la juridiction nantaise…

 

« Quand on me dit que je n’ai pas de liens avec la France, alors que j’ai des amis, une petite copine, et que j’ai passé plus de trois ans ici, c’est dur, peste le Guinéen. C’est la Loi, mais bon… Je me suis battu, je ne comprends pas. Je ne suis pas un animal… » La situation est d’autant plus douloureuse à vivre que l’OQTF retire à Keita le droit de travailler. Son apprentissage est interrompu « alors que le patron misait sur lui, et le formait pour développer l’entreprise dans de nouveaux secteurs », complète Virginie. L’arrêt brutal du contrat suspend aussi son projet d’installation dans un logement autonome.

 

Virginie doit aussi trouver les mots pour sa fille, dont l’amoureux est menacé d’expulsion. Les jeunes avaient passé de premières vacances ensemble. Avec sa famille « d’adoption », Keita avaient pris des renseignements pour le permis de conduire et même… les impôts. « Et maintenant, il se retrouve dans un entre-deux vies ».

 

Lu sur le parisien.fr

Le 1er avril 2021

 

 

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