Le 18e forum de l’AGOA (African Growth and Opportunities Act), la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique, s’est achevé ce mardi 7 août 2019 en Côte d’Ivoire. Cette initiative lancée en 2000 par les États-Unis permet aux produits des pays africains répondant à certains critères d’accéder au marché américain sans barrières douanières et tarifaires. Cette année, l’événement annuel se tenait à Abidjan et a réuni de hauts responsables africains et américains dont le secrétaire d’État américain adjoint aux Affaires africaines, Tibor Nagy. En marge du forum, il revient avec notre correspondant à Abdijan sur les dossiers principaux politiques du continent.

 

RFI : Pour financer l'Union africaine, les 55 États du continent ont décidé de taxer à 0,2% toutes les importations africaines, excepté les produits de première nécessité. Vous jugez que c’est une bonne ou une mauvaise mesure ?

Tibor Nagy : Nous avons un problème avec cette mesure sur le plan juridique en matière de commerce. Nous pensons que cela irait à l’encontre des règles internationales sur les échanges. Donc non ! Nous ne sommes pas vraiment pour cette mesure. Si l’Union africaine l’applique, nous nous pencherons sur la question, mais pour le moment nous ne la défendons pas.

Parlons un peu de politique. Le Soudan vit actuellement une révolution. Dimanche dernier, un accord a été signé entre l’armée et les civils pour un gouvernement de transition. Depuis un an, les Etats-Unis n'imposent plus de sanctions économiques, mais continuent de maintenir le Soudan sur la liste des États soutenant le terrorisme, ce qui freine beaucoup les investissements dans ce pays. Allez-vous retirer le Soudan de cette liste ?

Je le souhaite vraiment. Les États-Unis se sont tellement impliqués dans cette transition ; c’est merveilleux ce qu’il se passe au Soudan. Nous devons encore attendre de voir où mène la transition, mais notre objectif, notre rêve c’est d’entretenir des relations normales avec le Soudan. Dès que le gouvernement de transition sera mis en place, nous l’évaluerons et nous déciderons du bon moment et des bonnes personnes avec qui nous pourrions entamer un processus de retrait de notre liste des pays soutenant le terrorisme.

Concernant le terrorisme au Sahel, tous les observateurs constatent une aggravation au Burkina Faso et au centre du Mali et un élargissement de la menace aux pays côtiers comme le Bénin et le Ghana. Pourquoi les États-Unis refusent-ils que le Conseil de sécurité de l'ONU accorde, comme le permet le chapitre 7, un financement pérenne à la force du G5 Sahel ?

Nous faisons déjà partie des principaux contributeurs. Bien que nous ayons des désaccords sur les mécanismes de financement, nous sommes extrêmement généreux. Je crois savoir que nous mettons sur la table au moins 110 millions de dollars. Nous croyons que l’initiative G5 Sahel est idéale : c’est la meilleure réponse que de faire face au terrorisme au niveau régional. Mais nous pensons aussi qu’il y a suffisamment de donateurs. Le G5 est une organisation d’Etats volontaires partageant le même idéal. L’OTAN en est aussi une autre, et pourtant nous n’irions sûrement pas aux Nations unies pour demander aux Etats membres, comme la Côte d’Ivoire par exemple, de contribuer financièrement à l’OTAN.

En RDC, il n’y a toujours pas de gouvernement huit mois après l’élection de Félix Tshisekedi. Mais on sait déjà que le camp de l'ancien président Kabila détiendra 42 ministères sur 65.  Les États-Unis, qui ont souvent eu des rapports compliqués avec Joseph Kabila, s'inquiètent-ils du poids politique qu'il conserve aujourd'hui ?

Absolument pas ! Nous savons que le président Tshisekedi évolue dans un cadre constitutionnel très restreint qui lui laisse une marge de manœuvre limitée. Car même s’il est président, le choix des membres du gouvernement revient au parti majoritaire, c’est-à-dire celui de son prédécesseur Joseph Kabila. Donc il doit y avoir des négociations. Le président peut bloquer des nominations pour l’équipe gouvernementale mais il ne peut pas la nommer lui-même. Nous sommes persuadés qu’il fait ce qu’il peut. Le monde doit maintenant se focaliser sur la crise Ebola. Ce serait une chance incroyable que la République démocratique du Congo devienne réellement une république démocratique exportant la stabilité plutôt que l’instabilité. Cette instabilité a été la cause durant des décennies d’un grand nombre de morts en Afrique, plus que pendant la Première guerre mondiale. Nous soutenons positivement l’action du président Félix Tshisekedi car nous souhaitons que la RDC et son peuple puissent enfin profiter des richesses de l’un des pays les plus riches au monde.

En Guinée, le gouvernement prône une nouvelle Constitution qui pourrait permettre au président Alpha Condé de supprimer la règle des deux mandats maximum et de se présenter pour un troisième mandat. A vos yeux, ce serait une bonne ou une mauvaise réforme ?

D’abord, les États-Unis reconnaissent la souveraineté de chaque État, et les États peuvent changer de Constitution à leur guise. Mais nous avons un problème s’il apparait évident que le président en exercice se serve de cela uniquement pour se maintenir au pouvoir. D’autres pays ont changé leur Constitution pour en modifier certains aspects, dont le nombre ou la durée des mandats, mais tout en respectant les principes démocratiques. Á savoir, un débat sur la pertinence d’une nouvelle loi fondamentale et son adoption soumise à référendum par la population.

http://www.rfi.fr/emission/20190808-etats-unis-agoa-tibor-nagy-rdc-tshisekedi-cadre-constitutionnel-restreint

Par Sidy Yansané, RFI
Le 8 août 2019

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