Migrants à Paris : chaos migratoire porte de La Chapelle

Des centaines de migrants vivent dans des conditions précaires au nord de Paris. Une situation de plus en plus explosive.

Un centre d’accueil humanitaire de 400 places à saturation, près de 1 500 réfugiés en attente d’une solution, dormant le long du boulevard Ney (XVIIIe), une épidémie de gale ingérable, des monceaux de déchets, des tensions quasiment quotidiennes avec les forces d’ordre installées à demeure… Et des arrivées à flux tendu : France Terre d’Asile évoque le chiffre de 200 personnes par semaine. 

Jamais, ces trois dernières années, le chaos migratoire n’aura été tel, porte de la Chapelle. Et, même si l’évacuation du gigantesque campement est imminente, élus, pouvoirs publics, associations et habitants restent désormais suspendus aux lèvres du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui devrait annoncer le 12 juillet prochain, son plan de gestion de l’urgence migratoire.

«We are not danger, we are in danger», «Refugees welcome» *, «Vos guerres font nos naufrages», «urgence dignité» : au fil des semaines, de larges banderoles multicolores ont fleuri porte de La Chapelle, où se relaient les associations d’aide aux réfugiés. Des manifestations, aussi, ont été organisées. Deux en l’espace de quelques jours, les 23 juin et 1er juillet. Par les riverains, d’abord, qui demandent «plus d’humanité pour les réfugiés et les habitants, confrontés à une insupportable misère», puis par le collectif Solidarité Migrants Wilson, qui accompagne quotidiennement les réfugiés. 

Ce mardi matin, sous un soleil de plomb, Utopia 56 distribue un petit-déjeuner. Thé à la menthe, café, pain… ils sont des centaines, Erythréens, Soudanais, Afghans, Syriens, Guinéens, à faire la queue, sous ce nœud de béton où s’emmêlent l’autoroute A 1 et le périphérique. Les visages sont fatigués, les traits tirés. Suleyman, un jeune soudanais de 22 ans, attend depuis trois semaines. La voix cassée, le regard las, il désigne le terre-plein envahi de déchets face à lui : «On dort là-dedans, comme des animaux, lâche-t-il. Ça fait trois semaines… On ne pourra jamais rentrer dans le bâtiment.»

Un peu plus loin, le long du boulevard Ney, un village de tentes s’étire en direction de la porte d’Aubervilliers, les vêtements lavés sèchent, accrochés aux grilles du stade. Avec trois points d’eau seulement et quelques toilettes, les réfugiés sont contraints à une hygiène déplorable, qui ne contribue pas à l’éradication de la gale, malgré les opérations sanitaires à répétition. Tous ici, savent qu’ils ne rentreront peut-être jamais dans le centre humanitaire, dont, ce jour-là encore, les portes, gardées par une douzaine de cars de CRS, ne se sont même pas entrouvertes. 

D’ailleurs, après les violentes tensions survenues voici quinze jours, les responsables du centre privilégient désormais les maraudes permettant de repérer les réfugiés les plus vulnérables, aux files d’attente devant le bâtiment. «La situation est de jour en jour dégradée par l’attente qui s’étire, souligne France Terre d’Asile. La mise à l’abri devient une urgence vitale… comme l’ouverture d’autres centres d’accueil en France, sinon, on ne s’en sortira jamais». 

* «Nous ne sommes pas un danger, nous sommes en danger», «Bienvenue aux réfugiés» 

Repères

32. C’est le nombre de campagnes d’évacuations menées par la préfecture de région dans les différents campements de la capitale depuis… le 2 juin 2015. Lors de cette première action 477 migrants avaient été pris en charge.

390. Les CAO (centre d’accueil et d’orientation) répartis dans 86 départements qui proposent quelque 10 800 places (données au 30 avril 2017). Actuellement, 65 % des personnes présentes dans ces centres ont sollicité un droit d’asile en France.

3 852. C’est la plus grosse opération de mise à l’abri à Paris pour 3852 migrants. Elle a eu lieu le 4 novembre 2016 avenue de Flandre, Jaurès et boulevard de Stalingrad (XIXe) et le quai de Jemmapes.

9 036. Ce sont les migrants actuellement hébergés en Ile-de-France dans une centaine de sites. Lors de la dernière opération, le 9 mai dernier, 1 610 personnes ont été prises en charge.

23173. Les migrants qui ont été emmenés, placés en centre en attendant que leur dossier de demandeurs d’asile puisse être traité par les services de l’Etat depuis également juin 2015.

23660. Ce sont les offres d’hébergement proposées depuis deux ans en comptant les réfugiés venus d’Allemagne.

Cecile Beaulieu
leparisien.fr
Le 5 juillet 

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