Les Allemands sont désormais plongés dans une double crise, politique et sociale et certains ne sont pas loin de considérer que Macron sert de catalyseur au changement.

Coincés dans des négociations sociales qui n’ont jamais été aussi violentes, paralysés par l’impossibilité de dégager une coalition de gouvernement, les allemands sont assez désemparés sur leur propre avenir. Beaucoup de certitudes qui servaient de ciment à leurs extraordinaires performances économiques sont fissurées.

En ce début d’année, la presse allemande a demandé aux allemands quels étaient les leaders qui, dans le monde, auraient le plus d’importance et d’influence. Une grande partie considère que les impulsions que donne le président français sur la France et sur l’Europe vont jouer un rôle déterminant. Et pour beaucoup, les premiers mois de la présidence Macron ont déjà contribué à déstabiliser le système allemand.

 

Alors, n’exagérons rien, le modèle rhénan s’appuie sur des valeurs solides et anciennes. N‘empêche que la force du changement français et l'ambition de réforme européenne ont obligé les allemands à se remettre en cause, sauf qu’ils n’ont pas trouvé de plan B.

Cette opinion est partagée par les milieux d’affaires, les milieux syndicaux, par la classe politique et la plupart des élites allemandes.

Le vent qu’Emmanuel Macron à essayer de faire souffler n’est pourtant pas très original. Il reprend un diagnostic porté par beaucoup d’européens. Si l’Europe va mal, c’est bien évidemment parce que la majorité des partenaires ne se comporte pas de façon aussi rigoureuse qu’il le faudrait, mais aussi parce que l’organisation européenne est dominée par la surpuissance de l'Allemagne qui a imposé à l'Union européenne des standards de fonctionnement extrêmement difficiles à respecter. L’outil qui permet d’ailleurs d’imposer ces règles est l‘euro et toute la politique monétaire. En clair, l‘Allemagne impose une politique monétaire calée sur les performances de compétitivité des industries allemandes, alors que ces performances ne sont pas adaptées aux modèles des pays de l'Europe du sud.

Alors, ce qui donne de la force au discours d’Emmanuel Macron, c’est qu’il prône une Europe plus fédérale, plus solidaire, mieux coordonnée, mais qu’il ne s’exonère pas des efforts de réformes qu’il faut consentir pour réussir cette transformation. Il est donc crédible. Il ne considère pas que nos ennuis sont provoqués par les autres, mais par nous-même. Et que, si on veut aller plus loin dans la construction des Etats-Unis d’Europe, il faut que tout le monde fasse le ménage chez soi, et que d’autres se remettent un peu en cause.

Ce discours et sa crédibilité apportés par les changements initiés en France et que peu de personnalités européennes nous croyaient capables d’appliquer, la politique française incarnée par Macron, a sans doute contribué à gonfler deux types de phénomène en Allemagne.

Le premier phénomène est politique et a mis Madame Merkel dans l’embarras. Angela Merkel a beaucoup de mal à boucler un accord de gouvernement avec le SPD. Le SPD a des exigences au niveau des programmes européens qui ne sont pas acceptables par les conservateurs de la CDU. La CDU allemande ne peut pas participer à des réformes vers plus de fédéralisme en Europe comme le demande Martin Schulz, le leader SPD. Angela Merkel ne peut pas adhérer à un projet de politique économique beaucoup plus souple visant à accroitre la demande globale du consommateur allemand. Il y a des divergences importantes entre la bonne santé des grandes entreprises allemandes et la médiocrité du niveau de vie des allemands et par conséquent de consommation des allemands. Consommation de biens et de services, mais aussi consommation de biens collectifs et sociaux. 
Le deuxième phénomène est social et syndical. L’Allemagne industrielle est entrée dans une négociation syndicale sur les conditions de travail et les niveaux de vie extrêmement durs. Les revendications portent sur la durée du travail, les pouvoirs d’achat et les salaires qui ne correspondent pas aux exigences de compétitivité de l’Allemagne, mais qui vont regonfler la demande.

Il y a donc une corrélation forte entre la situation politique, la situation sociale qui correspondent également au projet européen de Emmanuel Macron. Pour le président français, l’Europe se fera plus facilement si les allemands travaillent plus pour satisfaire leur demande intérieure que leur compétitivité.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Le 10 janvier 2018

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