La tension monte au Sénégal à un mois de la présidentielle

DAKAR (AFP) - A un mois du premier tour de la présidentielle du 26 février, la tension monte au Sénégal où le Conseil constitutionnel doit dire vendredi si la candidature contestée du chef de l'Etat sortant Abdoulaye Wade est retenue, l'opposition appelle à braver ce jour-là une interdiction de manifester.

Signe des craintes de violences que suscite la décision éventuelle des cinq "sages" (membres) du Conseil constitutionnel, le gouvernement a interdit les manifestations, de jeudi, dernier jour de dépôt des candidatures, jusqu'à lundi.

Mais le Mouvement du 23 juin (M23), regroupant les partis d'opposition et la société civile qui jugent la nouvelle candidature de Wade anticonstitutionnelle, a décidé de braver cette interdiction "illégale" en appelant à manifester vendredi à Dakar.

"La Constitution nous autorise à manifester et ne peut pas être abrogée par un arrêté ministériel", en l'occurence celui du ministre de l'Intérieur Ousmane Ngom qui a interdit les manifestations, a déclaré Alioune Tine, porte-parole du M23 qui entend par ailleurs "attaquer" cet arrêté "devant la Cour suprême".

La France a estimé que "la liberté d'expression et de manifestation doit être partout garantie" et que "la volonté du peuple sénégalais doit être respectée".

Selon Amnesty International, "il n'y a pas de justification apparente à cette interdiction qui porte atteinte au droit de manifester pacifiquement". Il s'agit d'une "décision des plus inquiétantes", affirme l'organisation, ajoutant que "le potentiel de déstabilisation est immense".

Des déclarations du président Wade publiées jeudi par le site sénégalais d'information en ligne DakarActu risquent d'exacerber les tensions, puisqu'il y affirme qu'il peut "légalement" se présenter non seulement en 2012, mais également "une autre fois en 2019".

C'est dans ce climat d'anxiété que l'Union européenne (UE) a lancé jeudi sa mission d'observation du scrutin, composée de 90 membres, la première de cette importance au Sénégal, pays jusqu'alors considéré comme un modèle de démocratie en Afrique.

Depuis des mois, la candidature du président Wade, 85 ans, au pouvoir depuis douze ans, cristallise toutes les oppositions, non seulement de ses adversaires politiques traditionnels, mais aussi de mouvements de la société civile.

Débat autour de la Constitution "Y'en a marre", mouvement créé il y a un an par des jeunes, dont les membres d'un groupe de rap, a renforcé la vague "anti-Wade" par sa capacité de mobilisation avec des initiatives originales comme "la foire aux problèmes" que rencontre le pays: chômage, coupures d'électricité, coût de la vie.

Le M23 dont "Y'en a marre" est membre organise chaque mois des rassemblements pour dire "Non à la candidature de Wade", la plupart du temps contrebalancés par des rassemblements du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir).

Elu en 2000, réélu en 2007 pour cinq ans après une réforme constitutionnelle en 2001 instituant un quinquennat renouvelable une fois, M. Wade se représente pour sept ans après le rétablissement du septennat en 2008, à la suite d'une nouvelle réforme constitutionnelle.

Pour ses opposants, il se présente à un troisième mandat illégal, mais ses partisans affirment que le décompte doit se faire à partir de la première réforme constitutionnelle de 2001 instituant le quinquennat et qu'il s'agit donc d'un second mandat conforme à la Constitution.

L'ONU a appelé à un scrutin "apaisé", l'UE a jugé "essentiel d’empêcher tout acte de violence" et les Etats-Unis ont jugé "regrettable" que M. Wade se représente au lieu de prendre sa "retraite".

Parmi les principaux candidats figurent trois ex-Premiers ministres de M. Wade devenus opposants, Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall, ainsi qu'Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste (PS).

Candidat également, la star de la chanson et homme d'affaires Youssou Ndour, lui aussi opposé à la nouvelle candidature d'Abdoulaye Wade.

 

Libération.fr


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