Le vote devait avoir lieu le 1er mars 2020. Alors que le président Alpha Condé a indiqué un report de deux semaines, l'opposition compte bien rester mobilisée pour obtenir l'annulation du référendum. Un appel à manifester a été lancé à compter du 5 mars. 

 

Le  référendum constitutionnel reporté de "deux semaines" : l'annonce a été faite par le président guinéen Alpha Condé dans la soirée du 28 février 2020. Le report concerne aussi les législatives qui devaient se dérouler également le 1er mars.

 

Après des mois de protestations meurtrières contre ce que l'opposition considère comme une manœuvre pour rester au pouvoir, les Guinéens étaient encore dans la rue le 29 février pour protester contre ce référendum dont les opposants exigent l'annulation.

 

Des années d'animosité politique ont laissé la place à une campagne très éloignée d'un exercice démocratique apaisé. De même que les soupçons pesant sur le vote. Ainsi que le maintien envers et contre tout de ce rendez-vous malgré le boycott et les appels de la communauté internationale demandant que soit associée l'opposition.

 

 

Report

 

"Nous avons accepté un report, léger, de la date des élections", a déclaré  le président Alpha Condé dans une intervention à la télévision nationale. Ce n'est ni une capitulation, ni une reculade", a -t-il ajouté en assurant que "le peuple de Guinée exprimera librement son choix à travers le référendum et choisira librement ses députés".

 

"Nous acceptons le report qui doit être de deux semaines", a-t-il ensuite précisé dans une lettre à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), consultée par l'AFP. La commission électorale "va saisir la Cour constitutionnelle pour la fixation d'une nouvelle date dans la fourchette indiquée", a-t-il dit dans ce courrier.

 

Le report est motivé par "des raisons techniques", selon le secrétaire permanent du parti présidentiel, Sékou Condé. "Les gens ont saccagé des matériels dans des bureaux de vote. Ca n'a rien à voir avec le fichier électoral" contesté par l'opposition, a-t-il confié à l'AFP.

 

Le dirigeant guinéen a pourtant déclaré le 29 février devant des militants au siège de son parti à Conakry, que "des missions de nos amis de l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie) et de la Cédéao (Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest) seront à Conakry (la capitale guinéenne) dès mardi (3 mars 2020) pour évaluer le fichier (électoral). Je ne veux pas qu'on dise qu'on a volé" les scrutins prévus.

Troisième mandat

 

Avant ce report surprise, les Guinéens étaient appelés à se prononcer sur une nouvelle Constitution, défendue comme "moderne" par le chef de l'Etat. Elle codifierait l'égalité des sexes, interdirait l'excision et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition des richesses en faveur des jeunes et des pauvres, selon lui.

 

L'opposition n'en croit pas un mot. Pour elle, le projet est le subterfuge d'un ancien opposant historique devenu, à bientôt 82 ans, un autocrate qui, comme bien d'autres dirigeants africains avant lui, entend plier la Constitution à son désir de briguer un troisième mandat à la fin de l'année.

 

Le projet de Constitution limite à deux le nombre des mandats présidentiels. Le chef de l'Etat sortant en a déjà deux au compteur. Sauf que l'adoption d'une nouvelle Constitution lui permettrait de remettre ce compteur à zéro.

 

Depuis mi-octobre 2019, la mobilisation contre le président Alpha Condé donne lieu à des manifestations massives, à des journées villes mortes qui impactent l'économie d'un des pays les plus pauvres de la planète, et à de graves brutalités policières. Au moins 30 civils et un gendarme ont été tués.

 

Ces tensions, les appels de l'opposition à empêcher le déroulement du référendum et des législatives, ainsi que les attaques des derniers jours contre des bureaux ou du matériel de vote, ont amplifié les craintes dans un pays coutumier des manifestations et des répressions brutales. L'armée a été mise en état d'alerte dès la semaine dernière. Pure précaution selon les autorités.


Annulation

 

L'opposition, qui dénonce depuis des mois "un coup d'Etat constitutionnel", refusait encore le 29 février de se contenter du report. Elle promet de poursuivre sa lutte pour annuler le scrutin. A l'issue de la réunion de sa coalition, un appel à manifester à été lancé à compter du 5 mars et ce "jusqu'au départ d'Alpha Condé", indique un communiqué.

 

"Nous avons entendu le report des législatives et du référendum. Nous félicitons le peuple de Guinée qui a vaillamment combattu contre ce coup d'Etat constitutionnel. Toutefois, nous ne nous satisfaisons pas de ce report", a déclaré à l'AFP Ibrahima Diallo, le chargé des opérations du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif de partis et de la société civile engagé contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé, élu en 2010, puis réélu en 2015.

 

"Nous continuerons la lutte jusqu'au retrait complet de cette forfaiture de cette nouvelle Constitution. La lutte continue jusqu'à ce que Alpha Condé quitte le pouvoir en vertu de l'actuelle Constitution" qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux, a ajouté Ibrahima Diallo.

 

Le principal opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, a estimé sur Twitter que "le discours d'Alpha Condé s'apparente plus à une déclaration de guerre à l'endroit de l'opposition et du FNDC qu'à une offre de paix et de dialogue". Et de conclure : "Non au coup d'Etat constitutionnel, non à la mascarade électorale ni le 1er mars, ni dans 15 jours".

 

 

 Manque de crédibilité

 

Les doutes exprimés par la communauté internationale quant à la crédibilité du pouvoir se sont multipliés ces dernières semaines. L'Organisation internationale de la francophonie (OIF), accompagnatrice du processus électoral en Guinée, a jugé "problématiques" près de 2,5 millions de noms d'électeurs figurant sur les listes, avec des doublons et la présence de personnes défuntes.

 

Fait rare, l'Union africaine a rappelé ses observateurs le 28 février. La Cédéao a, pour sa part, renoncé à déployer les siens en raison des risques potentiels. Sa mission de bons offices en Guinée a été également annulée, à la dernière minute, le 27 février. Motif évoqué : l'agenda du président Alpha Condé. 

 

Dans un communiqué, l'Union européenne s'interroge sur "la crédibilité des échéances électorales à venir", en raison notamment de "l'absence d'inclusivité et de transparence". Dans le document, elle s'appuie notamment sur les constats de l'OIF et des décisions de l'UA et de la Cédéao. Néanmoins, selon le pouvoir, des missions de l'OIF et de la Cédéao sont attendues la semaine prochaine pour une évaluation du fichier électoral.

francetvinfo.fr
Le 2 mars 2020

 

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