"L'insécurité gagne du terrain", "Journées noires", "De nombreux tués à Katsina", "Les bandits tuent à Kaduna": les journaux nigérians s'inquiètent mardi de l'accélération des violences, qui ont fait plus de 100 morts ces quatre derniers jours à travers le pays.

Dans le Sud-Est, des groupes "cultistes", ces petits groupes criminels ou mafieux, employés par des individus à des fins politiques ou économiques, et qui mêlent souvent croyances et rites de magie noire, ont causé la mort d'au moins huit personnes, selon des responsables locaux contactés par l'AFP.

Selon Gani Topba, président d'un groupe de la société civile dans la région de l'Ogoni (Etat de Rivers), où se sont déroulées les tueries, "des hommes armés ont attaqué des habitants d'Emohua dans leur sommeil lundi matin".

Un phénomène qu'il assure "ne pas être nouveau" dans cette région.

Dans le Sud-Ouest, dans l'Etat d'Ondo, un braquage de banque ayant mal tourné a fait sept morts, dont un agent de police, et cinq blessés lundi soir.

- Tueries et kidnappings incessants -

Mais c'est dans les régions du Nord que les bilans restent les plus élevés: les jihadistes de Boko Haram dans l'Est, les groupes criminels de voleurs de bétails dans l'Ouest ou encore le conflit entre agriculteurs et éleveurs peuls dans toute la ceinture centrale ne cessent de semer la terreur et ont fait plus de cent morts en quelques jours à peine.

Environ deux cents personnes ont d'ailleurs envahi lundi une route importante dans l'Etat de Kaduna, au niveau de Birnin Gwari, pour protester contre "les tueries et les kidnappings incessants", après la mort ce weekend de deux policiers en poste pour assurer la protection des habitants.

"Il n'y a pas de sécurité à Birnin Gwari", a confié à l'AFP Isah Muhammad Galadima, porte-parole de l'émir local. "Des gens sont kidnappés (contre rançon) tous les jours sur cette route", se désole-t-il. "Des milliers de personnes ne peuvent plus regagner leurs villages. Nous en avons assez."

Armés de pancartes criant leur désarroi et implorant de l'aide, les villageois attendaient le convoi du gouverneur de l'Etat de Kaduna, Nasir El-Rufai, venu "évaluer la situation".

Quelques heures auparavant, à une centaine de kilomètres de là, des violences entre agriculteurs et éleveurs peuls ont fait vingt morts, selon les chiffres officiels.

Des habitants du district de Kajuru (Etat de Kaduna), connu pour être un point chaud dans ce conflit, ont confirmé à l'AFP que des "hommes en uniformes militaires" sans doute dérobés à l'armée nigériane ont ouvert le feu sur la population.

- Milices parallèles -

La situation devient particulièrement inquiétante puisque pour pallier le manque de personnel de sécurité dans ces régions, les autorités locales payent et arment des civils pour défendre leurs villages.

Ainsi le gouverneur de l'Etat de Zamfara a annoncé il y a quelques jours qu'il embaucherait 1.700 "chasseurs traditionnels" supplémentaires, s'ajoutant aux 8.500 déjà recrutés en 2018.

Ces milices combattent parallèlement à l'armée ou à la police, sans entraînement, avec des armes souvent d'un autre âge et sans être formées un tant soit peu au respect des droits de l'homme.

Les affrontements entre milices et bandits tournent souvent au bain de sang, comme ce fut le cas ces derniers jours: ils ont fait 50 morts ce weekend dans l'Etat de Zamfara et 14 morts dans celui de Katsina, selon la police (36 tués selon des habitants interrogés par l'AFP).

Une centaine de villageois armés se sont réunis pour aller attaquer les "voleurs de bétails".

"Les miliciens se sont rendus dimanche dans la forêt et ont attaqué les bandits, malgré nos instructions de ne jamais se confronter à eux s'ils ne sont pas accompagnés" par des forces officielles de sécurité, a rapporté le porte-parole de la police de Katsina, Gambo Isa.

Le président Buhari, dans un communiqué publié mardi, a appelé à la paix et dénoncé "cette culture +oeil pour oeil, dent pour dent+ qui a nourri nombre d'attaques".

Samedi déjà, le chef de l'Etat, récemment réélu pour un second mandat lors d'un scrutin entaché d'irrégularités, avait assuré: il "n'y a pas d'autre problème qui occupe davantage mon esprit que la sécurité".

"Protéger les citoyens de mon pays est l'une des fonctions premières de mon gouvernement", avait affirmé l'ancien général.

AFP
Le 9 avril 2019

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