Port-au-Prince (AFP) - Le gouvernement haïtien est revenu samedi sur sa décision d'augmenter les prix des produits pétroliers, mesure très impopulaire qui a entrainé d'importantes vagues de violence et de destructions à travers le pays, causant la mort d'au moins une personne.

Quelques heures après avoir appelé, lors d'une allocution télévisée samedi matin, la population à la patience, en tentant de convaincre de la nécessité de l'augmentation, le premier ministre haïtien Jack Guy Lafontant a finalement annoncé revenir sur la décision.

"Le gouvernement annonce la suspension de la mesure d'ajustement des prix des produits pétroliers jusqu'à nouvel ordre", a indiqué le chef du gouvernement sur Twitter. Peu avant cette annonce, le président de la chambre des députés Gary Bodeau avait lancé un ultimatum de deux heures au gouvernement pour revenir sur la hausse des prix, sans quoi le gouvernement serait "considéré comme démissionnaire".

Avant même la prise de cette mesure controversée, le premier ministre, nommé en mai 2017, était déjà très critiqué pour son inaction. Une séance pour statuer sur son avenir à la tête du gouvernement avait été entamée la semaine dernière, à la chambre des députés, dont la majorité est acquise au président Jovenel Moïse.

Le recul, après moins de 24 heures, du gouvernement sur la révision des tarifs des produits pétroliers pourrait mettre un terme à son mandat et de facto entrainer la chute du gouvernement.

Outre les perspectives politiques incertaines, la situation reste tendue dans la capitale où les violences perdurent sans intervention des forces de l'ordre.

Un supermarché et divers commerces ont été pillés et plusieurs entreprises et véhicules ont été incendiés, principalement dans les quartiers aisés de Pétionville.

Beaucoup de rues de la capitale sont encore obstruées par les barricades dressées dès vendredi après-midi. Des tirs sporadiques se font encore entendre dans certains quartiers.

Des mouvements similaires de colère ont été enregistrés au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, ainsi que dans les communes des Cayes et de Jacmel et de Petit-Goave.

- Hausses insupportables -

Vendredi soir, un policier assigné à la sécurité d'un dirigeant d'un parti politique d'opposition a été tué dans une altercation avec un groupe de manifestants au c?ur de la capitale haïtienne. Il a été lynché alors qu'il cherchait à forcer le passage, et son corps a ensuite été brûlé sur la chaussée.

Plusieurs compagnies aériennes comme American Airlines et Air France ont annulé leurs vols jusqu'à la mi-journée pour l'instant, et au moins un avion a été redirigé vers Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.

Présent aux côtés du premier ministre, le directeur de la police nationale avait samedi matin lancé un appel au calme.

"On comprend votre droit (à) protester, (à) revendiquer mais on ne comprend pas la violence" a déclaré Michel-Ange Gédéon, en regrettant la mort du policier et en faisant état de l'incendie d'au moins deux commissariats et de plusieurs voitures de police.

En début d'après-midi vendredi, les ministères de l?Économie, des Finances, du Commerce et de l'Industrie ont annoncé l'augmentation des prix de l'essence de 38%, celui du diesel de 47% et celui du kérosène de 51%, à compter du samedi 7 juillet à minuit.

Le nouveau cadre de référence entre le Fonds monétaire international (FMI) et Haïti, signé en février, impliquait la cessation de la subvention publique des produits pétroliers, source conséquente du déficit budgétaire de l?État.

Cette importante hausse est perçue comme insupportable par la majorité de la population qui fait face à une pauvreté extrême, un chômage de masse et une inflation supérieure à 13% pour la troisième année consécutive.

Depuis l'annonce des nouveaux tarifs, les stations-service des principales villes du pays ont suspendu la distribution de carburants.

AFP
Amelie BARON
Le 7 juillet 2018

Écrire commentaire

Commentaires: 0