
L’Observatoire national autonome de supervision du référendum constitutionnel (ONASUR), censé garantir la régularité, la transparence et la sincérité du scrutin, n’a été composé que le 18 septembre 2025, soit à 72 heures du référendum du 21 septembre. Cette mise en place tardive soulève immédiatement une question fondamentale : comment une structure aussi stratégique peut-elle choisir et déployer ses démembrements dans les préfectures, les communes de Conakry, ainsi que dans les représentations diplomatiques et consulaires de la Guinée à l’étranger, en un laps de temps aussi réduit ?
La supervision électorale ne s’improvise pas. Elle exige du temps, de la planification, des moyens humains et logistiques, et surtout un travail préparatoire de terrain. En réduisant ce délai à quelques heures, le CNRD et son gouvernement savent dorénavant que l’ONASUR ne dispose d'aucune capacité opérationnelle réelle.
Selon les textes qui instituent sa création, l’ONASUR jouit d’une autonomie administrative et financière. Mais dans les faits, il a été composé le 18 septembre 2025. Le décret fixant son financement devrait être pris par la suite, mais quand désormais ? Sans ressources, à 48 heures du vote, comment superviser des milliers de bureaux de vote, assurer la formation de ses démembrements, organiser la collecte et la centralisation des procès-verbaux, et garantir la vérification des résultats ?
Ce manque de formation et de financement, fragilise non seulement l’efficacité de l’institution, mais il alimente aussi les soupçons quant à la volonté réelle de doter la Guinée d’un mécanisme de supervision indépendant. Un organe privé de moyens ne peut être qu’une coquille vide, destiné à valider un processus déjà verrouillé.
Au-delà des aspects techniques et financiers, le problème le plus grave est celui de l’impartialité. Celui qui préside aujourd’hui l’ONASUR n’est pas un acteur neutre. Il a déjà pris part à la campagne référendaire, appelant publiquement les militants de son parti à voter « OUI » et à soutenir l’adoption de la nouvelle constitution. Cette attitude est en totale contradiction avec les missions de l’ONASUR telles que définies par la loi : veiller à la régularité du scrutin, superviser les opérations de vote, garantir la sincérité des résultats et transmettre un rapport général aux autorités compétentes.
Un président de l’organe de supervision qui s’est transformé en militant actif du :
"OUI", décrédibilise d’emblée l’institution qu’il dirige. Cette partialité flagrante réduit à néant l’exigence de neutralité qui doit entourer le processus référendaire.
En cumulant ces handicaps : retard dans mise en place, absence de formation et de financement, présidence partiale, l’ONASUR apparaît moins comme un garant que comme un instrument de validation. Sa mission légale de supervision, qui devait s’étendre de l’inscription des électeurs jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême, est quasiment impossible en deux jours.
La transparence électorale repose sur trois piliers : l’indépendance institutionnelle, les moyens financiers et humains, et l’impartialité des dirigeants. Aucun de ces trois piliers n’est aujourd’hui assuré. Dès lors, la crédibilité du référendum du 21 septembre est fortement mise en doute, tant par les citoyens guinéens que par la communauté internationale.
L’ONASUR devait incarner l’espoir d’un référendum transparent et crédible. Mais sa mise en place à la dernière minute et la politisation de sa présidence en font un organe fantôme, illégitime, avant même d’avoir commencé son travail.
Loin de renforcer la confiance, il accroît les inquiétudes. Car un référendum supervisé par un organe fantôme, partisan, sans formation et désargenté ne peut inspirer ni confiance ni légitimité.
Dans ces conditions, les résultats qui seront proclamés ne surprendront personne, mais ils risquent surtout d’aggraver la fracture politique et sociale que traverse la Guinée. Est-ce vraiment là la promesse du coup d’État du 5 septembre 2021, qui prétendait doter le pays d’une constitution consensuelle, capable de résoudre nos problèmes ? Ne sommes-nous pas en train de reproduire les erreurs du passé ? À quoi faut-il donc s’attendre ? Autant de questions qui alimentent inquiétudes et incertitudes.
Mamoudou Babila KEÏTA
Journaliste d'investigation
Éditorialiste - Voix libre en exil.
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